Dévoilé par Franceinfo et Le Monde, un document de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) pointe du doigt la contamination généralisée des sources d’eau minérale du groupe Nestlé. Un plan de « surveillance renforcée » a été recommandé.
La qualité des eaux n’est « pas garantie »
Ce n’est pas la première fois que les pratiques des producteurs français d’eaux en bouteille sont pointées du doigt. En 2021, une enquête de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, déclenchée par l’alerte d’un ancien salarié du groupe Alma (St-Yorre, Cristalline), révélait déjà des pratiques douteuses. Mi-octobre 2023, le disque n’est toujours pas rayé. Une note estimant que la « qualité sanitaire » des eaux du groupe Nestlé (Perrier, Contrex, Vittel, Hépar), cette fois-ci, n’est pas garantie et qu’une surveillance stricte est nécessaire. Initiée par une sollicitation des agences de santé des régions Grand Est et Occitanie, cette analyse a été déclenchée par le besoin d’assistance scientifique concernant les embouteillages de Nestlé en France.
En juin 2023, un document officiel émis par le responsable de l’ARS Occitanie, Didier Jaffre, appelait à l’intervention de l’autorité sanitaire devant la fragilité des approvisionnements en eau à Vergèze, site de production de Perrier. Il y mentionnait l’usage de procédés interdits au sein de l’établissement, la contamination fréquente de l’eau à sa source dans la majorité des puits explorés et la détection de substances polluantes minuscules. En octobre, les spécialistes de l’Anses, limités par l’accès restreint à des données partielles, ont présenté leurs constatations alarmantes au ministère de la Santé, mettant en lumière des irrégularités indiquant un manque de fiabilité quant à la sécurité des eaux minérales vendues par Nestlé.
Présence de Pfas, polluants éternels
La situation est préoccupante dans toutes les zones concernées, tant dans le Grand Est (avec les marques Hépar, Vittel, et Contrex) qu’en Occitanie (Perrier), révélant une pollution étendue des ressources. Le rapport indique des contaminations bactériennes habituelles (coliformes, Escherichia coli, entérocoques) dans plusieurs puits, souvent en quantités importantes, en contravention avec les normes strictes des eaux minérales naturelles qui exigent une absence totale de bactéries, avant comme après l’embouteillage.
Le document révèle également la détection de substances chimiques nocives, y compris des Pfas, surnommés polluants éternels en raison de leur large utilisation industrielle et de leur persistance dans l’environnement, ainsi que divers pesticides et leurs résidus. Pour certains prélèvements d’eau, la concentration totale de ces substances peut excéder 0,1 microgrammes par litre, franchissant ainsi la limite fixée par la réglementation applicable aux eaux minérales naturelles. Ainsi, les experts recommandent aux autorités de mettre en œuvre un plan de surveillance renforcé des usines Nestlé, « considérant les multiples constats de contaminations d’origine fécale », « la présence chronique notable de micropolluants », et « l’absence de paramètre permettant le suivi de la contamination virale des eaux ». Ils estiment également que ce manquement grave à la sécurité sanitaire ne devrait « pas conduire à la production d’eaux embouteillées ».