Après un silence prolongé suivant la défaite de son parti aux élections législatives, Emmanuel Macron s’est finalement exprimé ce mercredi 10 juillet. Il a choisi de le faire par le biais d’une lettre adressée aux Français, dans laquelle il précise les critères nécessaires pour choisir le successeur de Gabriel Attal, dont la démission, proposée lundi, a été refusée. Une lettre qui divise, aussi bien à gauche qu’à l’extrême droite. Mais concrètement, que dit la Constitution ?
Bâtir des « compromis »
Emmanuel Macron a choisi de débuter sa lettre en reconnaissant aux Français leur mobilisation. « Chères Françaises, chers Français, les 30 juin et 7 juillet derniers, vous vous êtes rendus aux urnes en nombre pour choisir vos députés. Je salue cette mobilisation, signe de la vitalité de notre République ». Dans sa lettre, le président annonce qu’il « décidera de la nomination du Premier ministre » lorsque les partis auront « bâti » des « compromis ». Il appelle ainsi « à l’ensemble des forces politiques se reconnaissant dans les institutions républicaines, l’État de droit, le parlementarisme, une orientation européenne et la défense de l’indépendance française », à engager le dialogue ensemble. L’Elysée a précisé que cet appel se fera sans LFI et sans l’extrême droite.
« Accepter le verdict des urnes »
Le président de la République rappelle dans sa lettre qu’il a, et lui seul, le soin de nommer le Premier ministre, enterrant ainsi la possibilité d’un Premier ministre issu du Nouveau Front Populaire. Un rappel qui a suscité de vives réactions. Clémence Guetté, députée LFI, accuse notamment le président de la République de ne pas être «à la hauteur de l’Histoire», en le sommant d’accepter « la démocratie ». Pour Marine Tonnelier, la cheffe de file des Écologistes !, le président de la République « refuse de reconnaître les résultats des élections législatives 2024 », un « déni qui abîme le pays et la démocratie ». Elle appelle le chef de l’État à « accepter le verdict des urnes ». Clémentine Autain, de son côté, déplore que le chef de l’État « demande aux députés de s’arranger pour ne pas écouter le vote des Français pour le Nouveau Front Populaire ».
Emmanuel Macron : qu’a-t-il le droit de faire ?
Concrètement, ils sont nombreux à dénoncer un « déni » de la part du chef de l’Etat. Mais concrètement, le président de la République est-il dans son bon droit, si l’on s’en réfère uniquement à la Constitution ? La procédure de nomination d’un nouveau Premier ministre après la dissolution de l’Assemblée nationale est encadrée par plusieurs articles de la Constitution française de 1958. L’article 8 stipule que « le Président de la République nomme le Premier ministre. Il met fin à ses fonctions sur la présentation par celui-ci de la démission du Gouvernement ». Après une dissolution de l’Assemblée nationale, le Président doit nommer un nouveau Premier ministre capable de former un gouvernement susceptible de gagner la confiance de la nouvelle Assemblée. L’article 20 de la Constitution précise que « le gouvernement détermine et conduit la politique de la nation. Il dispose de l’administration et de la force armée ». Le Premier ministre doit donc être en mesure de diriger efficacement la politique nationale, ce qui nécessite un soutien parlementaire suffisant.
L’article 49 régit la relation de confiance entre le Gouvernement et l’Assemblée nationale. Il indique que « le Premier ministre, après délibération du Conseil des ministres, engage devant l’Assemblée nationale la responsabilité du Gouvernement sur son programme ou éventuellement sur une déclaration de politique générale ». Le nouveau Premier ministre doit donc être capable de présenter un programme qui obtient la confiance de l’Assemblée nationale, renforçant l’importance de choisir un candidat qui puisse rassembler une majorité parlementaire ou relative après les élections législatives.
Quelle est la « logique institutionnelle » ?
Sur X, la chef de file des Ecologistes, Marine Tondelier, a plaidé la « logique institutionnelle ». Mais quelle serait-elle ? La logique institutionnelle et démocratique veut que le Président de la République nomme un Premier ministre issu du groupe parlementaire ayant obtenu le plus de sièges lors des élections, même si ce groupe n’a pas atteint la majorité absolue. Cela reflète une reconnaissance du choix des électeurs et la composition politique de la nouvelle Assemblée nationale.
Dans le cas où le Nouveau Front Populaire est le groupe ayant remporté le plus grand nombre de sièges, bien que sans majorité absolue, il serait cohérent et politiquement prudent pour le Président de choisir un Premier ministre provenant de ce groupe. Cette décision permettrait de former un gouvernement plus représentatif de la nouvelle configuration parlementaire et de faciliter la mise en œuvre d’une majorité relative capable de soutenir les initiatives gouvernementales. De cette manière, le Président respecterait les principes de la démocratie représentative et contribuerait à la stabilité politique en évitant des blocages institutionnels potentiels.