La Nièvre est, depuis plusieurs années maintenant, plongée dans un désert médical catastrophique. Pour alerter sur cette situation qui dure depuis trop longtemps, la maire (PS) de la commune de Decize, Justine Guyot, a décidé de faire dans l’humour noir. Ainsi, elle a pris un arrêté symbolique en sommant ses administrés de ne pas…tomber malade.
« Hygiène de vie exemplaire »
« Il est formellement interdit à tout habitant de tomber malade », est-il écrit, dans ce texte diffusé le 8 octobre dernier. « Sous peine de ne recevoir aucune prise en charge médicale en raison de la fermeture répétée des services d’urgences », continue l’arrêté, avant de donner quelques indications pour y parvenir : « Il est recommandé à chacun d’adopter une hygiène de vie exemplaire incluant une consommation journalière de légumes verts, des bains de soleil modérés et une absence totale de stress, particulièrement celui généré par l’état du système de santé local », détaille l’article 2 du document. Cet arrêté a été envoyé à l’ensemble des communes de la Nièvre. Et s’il se veut ironique, rien ne prête à sourire. En effet, son unique but est de créer l’alerte dans l’espoir d’un changement de situation. Les urgences de l’hôpital de Decize « ont été placées en mode dégradé voire complètement fermées à 24 reprises depuis mars », souligne l’édile à l’AFP.
Urgences régulées : trop c’est trop
Si Justine Guyot s’exaspère, c’est parce qu’un dernier épisode a secoué la commune. Du 2 au 3 octobre dernier, l’accueil des urgences a de nouveau été régulé « en raison d’un manque temporaire de ressources médicales ». Avant de pouvoir y accéder, il faut d’abord composer le 15 ou le 18. C’est depuis ce dernier coup de massue que la maire de Decize a décidé de prendre cet arrêté quelque peu absurde. « En prenant cet arrêté, je me moque des gens qui se moquent de nous », a-t-elle confiée auprès de France 3 Bourgogne-Franche-Comté. Et il faut croire qu’elle a insufflé la volonté aux autres édiles de se faire entendre. « Une vingtaine » de maires lui ont emboîté le pas.
Il faut dire que le ras-le-bol est généralisé et que la situation est loin de s’améliorer, malgré les nombreuses alertes de ces dernières années. Le département de la Nièvre ne compte que 68 médecins pour 100 000 habitants, contre une moyenne de 121 en France. Inutile de parler des spécialistes… Dans l’ensemble de la Nièvre, on ne compte qu’un seul rhumatologue, un allergologue et…zéro dermatologue. Et enfin, 20% des habitants ne disposent pas de médecin traitant. Le désert est si important qu’un « pont aérien » a été mis en place pour pallier le manque. Ainsi, depuis janvier 2023, une dizaine de médecins en provenance de Dijon se déplacent à l’hôpital de Nevers.
Selon le baromètre santé-social de l’AMF et la Mutualité Française, présenté lors du congrès des maires 2023, «87 % de la population vit dans un désert médical», tandis que «6,7 millions de Français n’ont pas de médecin traitant».