Quels arguments avancer pour un homme qui a admis avoir drogué, violé et fait violer sa femme près de 200 fois en dix ans ? Mercredi 27 novembre, devant la cour criminelle du Vaucluse, Béatrice Zavarro s’est retrouvée face à une tâche quasi impossible : trouver les mots pour représenter celui qu’elle décrit elle-même comme « l’homme le plus seul de cette salle ». Une plaidoirie où elle a dû jongler entre le poids des faits et la complexité de l’humanité.

L'avocate du « diable »

Face à un homme accusé d’avoir orchestré des centaines de viols sur sa femme, Béatrice Zavarro n’a pas masqué la difficulté de sa tâche. « Bien malgré moi, je suis devenue l’avocate du diable », a-t-elle confié d’emblée, exprimant son sentiment d’« extrême solitude » durant ce procès hors norme. Pour autant, elle a affirmé assumer pleinement la défense de Dominique Pelicot, évoquant la relation de confiance qu’ils ont bâtie depuis leur première rencontre en avril 2021.

Dans sa plaidoirie, Me Zavarro a brossé le portrait d’un homme à double visage. D’un côté, « un bon mari, un bon père et grand-père », selon les mots de sa femme et de ses enfants. De l’autre, un homme « doté d’une certaine perversité », qu’elle décrit comme prisonnier de ses propres démons. « Est-ce que le pire ennemi de Dominique Pelicot, ce n’est pas Dominique Pelicot lui-même ? » a-t-elle interrogé, cherchant à humaniser un client lourdement accablé par les faits.

Une défense entre passé et perversions

Pour éclairer la cour, l’avocate est revenue sur le passé de son client. Elle a décrit une enfance marquée par un climat familial « délétère », un père tyrannique et deux agressions sexuelles subies dans sa jeunesse : un viol par un infirmier durant une hospitalisation et une participation forcée à un viol collectif sur un chantier, lorsqu’il était apprenti. Ces traumatismes, selon elle, auraient façonné une partie des comportements de Dominique Pelicot. En retraçant l’évolution du couple, Me Zavarro a souligné un basculement progressif. 

« À partir de 2010-2011, les deux êtres évoluent différemment », a-t-elle analysé. Gisèle Pelicot se consacre à son rôle de grand-mère, tandis que Dominique s’enfonce dans ses « perversions ». Elle a toutefois insisté sur le fait que son client « aimait plus que tout » son épouse, tout en cherchant à expliquer comment son incapacité à assouvir tous ses fantasmes aurait été un élément déclencheur de son « schéma criminel ». En s’adressant directement à Gisèle Pelicot et à sa fille, Caroline, l’avocate a cherché à rappeler un autre visage de Dominique : « Gardez à l’esprit ce premier Dominique, celui qui vous a profondément aimé. Oubliez celui pour qui j’ai plaidé aujourd’hui. »

Hommage à la victime

Malgré la défense de Dominique Pelicot, Me Zavarro a tenu à rendre hommage au courage de Gisèle Pelicot, dont le calvaire a ému bien au-delà des frontières françaises. « Même si je mène un combat pour lui, je n’en oublie pas son combat à elle », a-t-elle déclaré, saluant la force de la victime face à une trahison et une violence incommensurables. En conclusion, Béatrice Zavarro a exprimé son respect pour cette femme dont l’histoire a bouleversé la société : « Elle mérite d’être entendue, elle mérite réparation. » Un témoignage qui illustre la complexité et la solitude d’une défense dans une affaire aussi hors norme que celle des viols de Mazan.

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