Depuis l’invasion russe en Ukraine, le spectre d’une guerre de haute intensité en Europe ne relève plus du simple exercice de prospective militaire. C’est dans ce contexte que le général Hubert Bonneau, directeur général de la gendarmerie nationale (DGGN), a précisé une lettre interne à ses troupes le 19 janvier dernier, révélée par Le Monde et Intelligence Online . Dans ce document, il affirme que « la possibilité d’un conflit armé et d’une agression du sanctuaire national doit être sérieusement envisagée » .
Une menace déjà évoquée
Cette mise en garde s’inscrit dans un climat géopolitique sous haute tension. En plus de la guerre en Ukraine, l’élection de Donald Trump et ses positions critiques sur l’OTAN suscitent de vives inquiétudes. Le président américain est déjà menacé de réduire l’engagement militaire des États-Unis en Europe si les pays membres ne renforcent pas leur budget de défense. Un désengagement de Washington pourrait affaiblir la sécurité collective et accentuer les risques pesant sur la France et ses alliés.
Loin d’être une déclaration isolée, cette analyse rejoint celle du précédent d’Hubert Bonneau, le général Christian Rodriguez, qui avait déjà estimé en 2023 que « l’attaque russe en Ukraine est un point de bascule dans la géopolitique mondiale » et que « l’hypothèse d’un conflit armé en France ne pouvait plus être balayée d’un revers de la main » . En novembre 2024, lors de sa première réunion de commandement, Hubert Bonneau avait lui aussi alerté sur les nouvelles menaces qui pèsent sur la France, qu’elles soient d’origine extérieure ou intérieure.
Criminalité organisée, renseignement et restrictions budgétaires : les autres priorités de la gendarmerie
Si le spectre d’un conflit militaire domine les préoccupations de la gendarmerie, ce n’est pas le seul défi auquel elle doit faire face. Hubert Bonneau insiste également sur la lutte contre la criminalité organisée et le narcotrafic , qui gangrènent certains territoires et alimentent une montée inquiétante de la violence. Pour renforcer les moyens dédiés à cette mission, il a annoncé la création de l’Unité nationale de police judiciaire de la gendarmerie , dont la direction a été confiée au général Sylvain Noyau.
Autre enjeu majeur : le renforcement du renseignement intérieur . La gendarmerie souhaite améliorer son efficacité en matière de collecte et d’analyse d’informations stratégiques, notamment pour anticiper des menaces criminelles et terroristes. Toutefois, Bonneau insiste sur la nécessité de « préserver absolument les équilibres institutionnels en matière de renseignement » , alors que le partage d’informations entre les différents services français reste un sujet délicat.
Mais ces ambitions se heurtent à une réalité budgétaire contraignante. Alors que les dépenses militaires et sécuritaires sont appelées à augmenter dans les années à venir, le général Bonneau prévient que « des choix devront être faits et certaines priorisations acceptées » . Il appelle à suivre la trajectoire budgétaire prévue par le gouvernement précédent pour 2025, tout en soulignant la nécessité d’une gestion rigoureuse des ressources. Entre l’éventualité d’un conflit international, la montée en puissance du crime organisé et les tensions sur le renseignement, la gendarmerie se prépare à un avenir incertain où vigilance et adaptation seront les maîtres-mots.