Laurent Wauquiez, figure de la droite conservatrice, n’en est pas à sa première sortie médiatique marquante. Mais mardi soir sur LCI, son idée d’ »isoler » les étrangers sous OQTF en les transférant temporairement à Saint-Pierre-et-Miquelon a surpris jusque dans son propre camp. Pour lui, la France ne peut plus « laisser circuler librement des personnes sous le coup d’une expulsion » : « Nous avons des outils juridiques, mais ils ne sont pas appliqués. Il faut trouver des solutions concrètes », a-t-il plaidé. S’appuyant sur l’isolement géographique de l’archipel, situé à 25 kilomètres au large du  Canada, il a proposé de « regrouper » ces étrangers dans ce territoire ultramarin, le temps que leur expulsion soit organisée.

Une levée de boucliers politique et locale

La réaction politique a été immédiate. À gauche, la proposition a été qualifiée de « honteuse » et « inhumaine ». Le député socialiste Boris Vallaud a dénoncé « une vision déshumanisante des étrangers digne d’une autre époque ». « Ce que j’observe, c’est le concours Lépine de celui qui portera les idées les plus xénophobes dans ce pays », a déclaré la députée LFI Aurélie Trouvé. Du côté de Saint-Pierre-et-Miquelon, les élus locaux sont montés au créneau. Le Conseil territorial a vivement réagi : « Notre archipel n’est pas une terre d’exil pour étrangers indésirables. Ce type de déclaration témoigne d’une méconnaissance totale de nos réalités. » Sur les réseaux sociaux, habitants et internautes ont moqué la proposition, rappelant que Saint-Pierre-et-Miquelon est « un joyau de la République », connu pour ses paysages sauvages, ses maisons colorées et son mode de vie paisible.

Saint-Pierre-et-Miquelon : un archipel loin des fantasmes

Avec ses 6.000 habitants répartis sur 242 km², Saint-Pierre-et-Miquelon vit principalement de la pêche, du tourisme et de quelques activités administratives. Le climat, souvent rude, n’empêche pas l’archipel d’afficher l’un des plus faibles taux de criminalité de France. Pour les Saint-Pierrais et Miquelonnais, être instrumentalisés dans un débat sur l’immigration est vécu comme une profonde injustice. « Ce n’est pas parce que nous sommes loin de Paris que nous devons devenir une zone de relégation », a réagi un élu local auprès de CNews.

Au-delà de l’indignation, les juristes rappellent que la proposition de Laurent Wauquiez est tout simplement incompatible avec le droit actuel. L’obligation de quitter le territoire français impose aux étrangers visés de quitter l’ensemble du territoire national, y compris les collectivités ultramarines. En théorie, un étranger sous OQTF à Paris doit quitter aussi bien l’Hexagone que Saint-Pierre-et-Miquelon. Transférer ces personnes dans un territoire français sans modifier profondément la législation serait donc illégal. « Il ne s’agit pas seulement de déplacer un problème : ce serait une violation du droit des étrangers et des conventions internationales », souligne un avocat spécialiste du droit public.

En creux, cette sortie pourrait s’inscrire dans une stratégie politique plus large. Laurent Wauquiez, souvent présenté comme un potentiel candidat pour représenter la droite en 2027, tente de capter un électorat sensible aux thématiques sécuritaires et identitaires. En évoquant Saint-Pierre-et-Miquelon, il cherche à frapper les esprits, quitte à provoquer la polémique. Pour l’instant, ni le gouvernement ni la droite institutionnelle n’ont repris la proposition à leur compte. Et du côté de Saint-Pierre-et-Miquelon, la population espère rapidement tourner la page de ce qui est perçu comme « un manque de respect » envers leur territoire.

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