Après la diffusion du documentaire Le Cas Cantat sur Netflix, de nouveaux témoignages relancent la piste de violences conjugales ayant précédé le suicide de l’ex-épouse du chanteur
La rumeur d’un drame étouffé refait surface. Quinze ans après la mort de Krisztina Rady, ex-compagne de Bertrand Cantat, le parquet de Bordeaux a annoncé, jeudi 24 juillet 2025, la réouverture d’une enquête préliminaire pour « violences volontaires », motivée notamment par les révélations contenues dans le documentaire Netflix Le Cas Cantat.
Une décision motivée par de nouveaux éléments
Dans un communiqué relayé par plusieurs médias, dont RTL et France 3 Régions, le procureur de la République de Bordeaux, Renaud Gaudeul, précise que cette enquête est relancée à la suite de « plusieurs affirmations et témoignages ne figurant pas dans les quatre procédures déjà ouvertes », toutes classées sans suite entre 2010 et 2018. Parmi ces éléments inédits figure le témoignage d’un infirmier, présenté dans le documentaire, qui affirme que Krisztina Rady avait été hospitalisée à cause de violences conjugales graves. Ce témoignage, que le procureur qualifie d’élément « nouveau », a été décrit par l’avocate Yaël Mellul comme étant « le plus fort, le plus puissant » du documentaire.
Les premières procédures judiciaires autour de la mort de Krisztina Rady avaient été classées sans suite dès 2010. D’autres ont été ouvertes en 2013, 2014 et 2018, principalement à l’initiative de Yaël Mellul, alors avocate du dernier compagnon de la défunte et aujourd’hui présidente de l’association Femme et libre. Interrogée par l’AFP, elle déclare : « Je suis très soulagée du changement radical de position du parquet de Bordeaux. (…) La mort de Krisztina est une affaire de suicide forcé. »
François Saubadu : un témoignage intime et accusateur
L’autre figure clé de cette réouverture est François Saubadu, compagnon secret de Krisztina Rady dans les années qui ont précédé sa mort. Dans une interview accordée à France 3 Régions, il dit vivre encore chaque jour avec son souvenir : « Je pense à elle tous les jours. Il y a plein de gestes du quotidien, quand je les refais, je pense à elle. » Saubadu affirme que Krisztina vivait sous emprise psychologique et était victime de violences physiques régulières de la part de Bertrand Cantat : « Il la frappait sans arrêt, devant des amis, devant des témoins. »
Il rapporte également l’existence d’un message vocal de sept minutes que Krisztina aurait laissé à ses parents à l’été 2009 : « C’était presque un testament. Elle y décrit les violences qu’elle subit. » Ce message aurait été transmis à la police, ainsi que son dossier médical, contenant selon lui des preuves d’ecchymoses, d’arrachements de cheveux et de blessures physiques. Ces éléments n’auraient cependant jamais été pleinement examinés à l’époque.
Un retour dans la lumière sous tension
Libéré en 2007 après avoir été condamné à huit ans de prison pour les coups ayant entraîné la mort de Marie Trintignant, Bertrand Cantat avait tenté un retour sur la scène publique dès 2010 avec le groupe Detroit, puis en solo en 2017. Mais à chaque apparition, la polémique le rattrape. Sa tournée Amor Fati avait été entachée d’annulations et de manifestations féministes, notamment à Grenoble, où il avait été accueilli aux cris de « Assassin ». En 2020, il annule un projet théâtral coécrit avec Caryl Férey, et en 2021, des militantes bloquent l’accès au théâtre de la Colline où se jouait une pièce sur laquelle il avait collaboré avec Wajdi Mouawad.
Selon le code pénal, les violences volontaires sur conjoint sont prescrites au bout de six ans, mais les violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner sont prescriptibles sur vingt ans. Autrement dit, la justice a encore cinq ans pour établir des responsabilités pénales si les faits sont qualifiés comme tels. François Saubadu confie à France 3 : « Je ne sais pas quel arsenal juridique on va pouvoir utiliser. Mais je suis convaincu que Bertrand Cantat est totalement responsable du suicide de Krisztina, au niveau de son harcèlement physique et psychologique. » Yaël Mellul affirme de son côté être en possession de douze nouveaux témoignages, qu’elle souhaite remettre prochainement au parquet de Bordeaux.
Une enquête pour reconstruire une mémoire brisée
Le 10 janvier 2010, Krisztina Rady est retrouvée pendue dans son domicile de Bordeaux, où elle vivait à nouveau avec Bertrand Cantat. C’est leur fils de 12 ans qui découvre le corps. Cantat, présent sur place, dira qu’il dormait au moment du drame.
Depuis quinze ans, des proches dénoncent un silence judiciaire et une forme de déni collectif autour des conditions de sa mort. Pour eux, cette réouverture est une étape cruciale : non seulement pour établir une éventuelle responsabilité, mais aussi pour reconnaître publiquement ce que Krisztina aurait vécu.