Un document de 38 pages révélé par le Washington Post détaille une vision américaine pour l’après-guerre à Gaza. 

Il prévoit le déplacement des habitants, une administration sous contrôle américain pendant dix ans et une transformation du territoire en centre high-tech et touristique. Le Hamas dénonce une tentative “coloniale” et “inacceptable”, tandis que Washington reste silencieux.

Un document de 38 pages qui redessine Gaza

En ce mois de septembre, la guerre à Gaza entre dans sa deuxième année et le conflit reste meurtrier, sans issue diplomatique en vue. C’est dans ce contexte que le Washington Post a dévoilé un plan de 38 pages circulant dans les cercles américains et israéliens. Il propose un scénario radical : vider Gaza de ses habitants et placer le territoire sous tutelle américaine pendant une décennie, avant d’en confier le contrôle à une entité palestinienne “réformée et déradicalisée”. Selon le document, les habitants de Gaza pourraient “volontairement” quitter l’enclave en échange d’incitations financières : 5 000 dollars en espèces, quatre années de loyer et une année de nourriture. 

Pour les propriétaires terriens, le projet prévoit des “jetons numériques” échangeables contre un logement dans de nouvelles villes à construire ou utilisables pour reconstruire une vie ailleurs. Ce plan, baptisé Gaza Reconstitution, Economic Acceleration and Transformation Trust (GREAT Trust), envisage aussi la construction de six à huit “villes intelligentes” à l’intérieur de Gaza, alimentées par l’intelligence artificielle, dotées d’infrastructures high-tech et de logements modernes.

Une “riviera du Moyen-Orient” sous administration américaine

Le projet ne se limite pas à une gestion sécuritaire. Il s’accompagne d’une vision économique ambitieuse, presque utopique. Gaza serait transformée en un hub technologique et touristique régional, avec des usines de voitures électriques, des centres de données, des hôtels de luxe et des stations balnéaires. 

Ce modèle reprend l’idée défendue par Donald Trump dès février dernier, lorsqu’il évoquait la possibilité de faire de Gaza une “riviera du Moyen-Orient”, à condition que sa population soit déplacée vers l’Égypte et la Jordanie. Pendant la période de dix ans prévue pour la reconstruction, l’administration du territoire serait assurée par le GREAT Trust, une entité financée par des fonds publics et privés, avant d’être transférée à une autorité palestinienne considérée comme “fiable”.

Le Hamas rejette le plan : “Gaza n’est pas à vendre”

La réaction du Hamas n’a pas tardé. “Gaza n’est pas à vendre”, a déclaré Bassem Naïm, membre du bureau politique du mouvement islamiste, sur les réseaux sociaux. Pour lui, ce plan est une “tentative de liquidation” de la cause palestinienne et une manœuvre visant à effacer la présence palestinienne du territoire. “Gaza est une partie intégrante de la grande patrie palestinienne”, a-t-il rappelé, ajoutant que “notre peuple refuse catégoriquement ce projet”. Ce rejet s’appuie aussi sur le droit international : le déplacement forcé de populations civiles constitue une violation des Conventions de Genève. Même présenté comme “volontaire”, un tel exode soulève la question de la contrainte dans un contexte où Gaza est ravagée par les bombardements, privée d’eau, d’électricité et d’infrastructures vitales. Pour de nombreux juristes, parler de “choix” relève d’un abus de langage dans une situation de désespoir humanitaire.

À Washington, le département d’État n’a pas confirmé l’existence de ce document ni réagi officiellement à sa publication. Mais le silence américain nourrit déjà les soupçons et accentue le malaise diplomatique. Les ONG de défense des droits humains dénoncent un projet qui contreviendrait aux principes fondamentaux du droit humanitaire. Human Rights Watch et Amnesty International rappellent que “le transfert de population, même sous couvert de volontariat, constitue une violation grave du droit international”. Dans le monde arabe, un tel scénario est perçu comme une provocation et comme une étape supplémentaire dans la marginalisation des Palestiniens. Les voisins régionaux, l’Égypte et la Jordanie, déjà sollicités à plusieurs reprises pour accueillir des réfugiés palestiniens, se sont fermement opposés à cette idée. Pour Le Caire comme pour Amman, absorber une partie de la population de Gaza signifierait un risque de déstabilisation interne et de tensions politiques ingérables.

Une paix toujours hors de portée

Au-delà des critiques morales et juridiques, la faisabilité même du plan interroge. La transformation de Gaza en pôle économique et touristique nécessiterait des investissements colossaux, un climat de stabilité politique et une sécurité totale, autant de conditions impossibles à réunir à court terme. Surtout, ce projet ignore totalement la dimension politique et nationale de la question palestinienne. Pour de nombreux analystes, il ne fait que repousser la perspective d’un État palestinien viable et accroît le ressentiment des populations arabes envers les États-Unis. “Un tel plan n’ouvre pas la voie à la paix, il la rend plus lointaine”, résume un diplomate européen interrogé par la presse.

Ces révélations surviennent alors que les tentatives de médiation internationale piétinent. L’administration Trump, revenue au pouvoir, cherche à imposer sa marque sur le dossier israélo-palestinien, mais la fuite de ce plan fragilise encore son image dans le monde arabe. En projetant le déplacement de toute une population et la mise sous tutelle étrangère d’un territoire déjà ravagé, le document dévoile une vision de l’après-guerre qui semble éloigner, plus que jamais, toute perspective de règlement durable. Pour les Palestiniens, il confirme surtout une réalité : leur avenir continue de se décider sans eux.

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