Un appel qui n’a pas porté ses fruits.
Condamné à neuf ans de prison en première instance, Husamettin Dogan, 44 ans, a vu sa peine portée à dix ans de réclusion criminelle par la cour d’appel de Nîmes, jeudi 9 octobre. Unique accusé à avoir fait appel dans le dossier des viols de Mazan (Vaucluse), il a été reconnu coupable de « viols aggravés » sur Gisèle Pelicot, victime emblématique de cette affaire marquée par des vidéos insoutenables.
Une peine plus lourde qu’en première instance
En décembre 2024, le tribunal de Vaucluse avait condamné Husamettin Dogan à neuf ans de réclusion criminelle. L’accusation, cette fois, avait requis douze ans. Après deux heures et demie de délibération, les magistrats et les neuf jurés ont retenu la majorité absolue pour alourdir la peine d’un an. « Vous n’êtes pas le seul responsable de l’œuvre de destruction massive d’une femme, mais vous y avez contribué en connaissance de cause », a lancé l’avocat général Dominique Sié, dénonçant « l’absence de prise de conscience » de l’accusé. La cour a assorti la peine d’un suivi sociojudiciaire de cinq ans avec injonction de soins, précisant que le mandat de dépôt serait immédiat. Souffrant d’une forme sévère de polyarthrite, Husamettin Dogan a été conduit en détention à l’issue de l’audience.
Dans un réquisitoire d’une rare intensité, Dominique Sié a décrit le viol comme « une petite mort, une destruction au compte à rebours ». Selon lui, Husamettin Dogan, « totalement responsable de ses actes », a participé à une « œuvre de destruction massive d’une femme livrée en pâture ». L’avocat général a réfuté la défense de l’accusé, qui affirmait avoir cru participer à un « jeu libertin » orchestré par Dominique Pelicot, principal protagoniste du dossier : « Les actes sexuels commis sur une personne endormie sont constitutifs du viol. On ne peut pas en 2025 considérer que parce qu’elle n’a rien dit, elle était d’accord. Car là, on se situe dans un mode de pensée d’un autre âge ! »
Des images accablantes
Le procès a reposé sur des vidéos glaçantes, au nombre de quatorze, enregistrées dans la nuit du 28 au 29 juin 2019 à Mazan. On y voit Gisèle Pelicot, inerte et inconsciente, être violée à plusieurs reprises. L’accusé, que l’on voit agir avec une extrême prudence pour ne pas la réveiller, n’a pu convaincre les jurés de son ignorance. « Il s’arrête net lorsqu’elle tressaille », ont souligné les enquêteurs, qui ont décrit un homme « pleinement conscient du caractère non consenti » de ses actes.
Assise derrière ses avocats, aux côtés de son fils, Gisèle Pelicot a accueilli le verdict sans un mot. À l’annonce de la peine, le public – composé majoritairement de femmes – a applaudi longuement, avant que la victime ne quitte la salle d’audience, la tête haute. L’accusé, lui, est resté impassible, les yeux dans le vide, lors de la lecture de la sentence.
Le dernier accusé à comparaître
En choisissant de maintenir son appel, Husamettin Dogan savait prendre un risque. Contrairement au premier procès, il n’avait plus de coaccusés pour partager la responsabilité. L’initiateur des crimes, Dominique Pelicot, surnommé « l’ogre de Mazan », a été entendu comme simple témoin : il n’avait pas fait appel de sa condamnation à vingt ans de réclusion criminelle en première instance. Cette absence a renforcé la responsabilité individuelle de Dogan, que la défense présentait comme un « invité manipulé ». Une stratégie balayée par la cour, pour qui l’accusé « a dénié l’humanité de sa victime ».
L’affaire des viols de Mazan remonte à 2019, lorsque plusieurs hommes ont été mis en cause pour des viols collectifs sur Gisèle Pelicot, une femme droguée à son insu lors d’une soirée à Mazan (Vaucluse). Des vidéos retrouvées dans le téléphone de Dominique Pelicot ont révélé des scènes d’une violence inouïe, où la victime apparaissait inconsciente. En première instance, huit hommes avaient été condamnés, avec des peines allant de cinq à vingt ans de prison. La cour avait établi une hiérarchie claire : Dominique Pelicot en « chef d’orchestre », les autres comme exécutants.
Pour l’accusation, cette décision d’appel marque la fin d’un chapitre judiciaire, mais pas celle de la douleur de la victime. Les avocats de Gisèle Pelicot ont salué une décision « juste et attendue », sans faire de déclaration publique. Husamettin Dogan dispose désormais de dix jours pour se pourvoir en cassation.
Son avocat n’a pas indiqué s’il comptait le faire.
