Ce lundi , le gouvernement de Michel Barnier présentera les grandes lignes de son premier budget, un projet central pour redresser les finances publiques, actuellement en pleine dérive. Arrivé à Matignon dans un contexte budgétaire difficile, le Premier ministre a clairement affiché son objectif : réduire le déficit public, tout en évitant d’alourdir la charge fiscale des ménages modestes. Une mission délicate, alors que le déficit dépasse les 6 % du PIB et que la dette publique atteint des niveaux historiques.
Un prélèvement exceptionnel sur les grandes entreprises : une taxe temporaire mais lourde de conséquences
La principale mesure envisagée par le gouvernement est une taxe exceptionnelle sur les bénéfices des grandes entreprises. Les sociétés dont le chiffre d’affaires dépasse le milliard d’euros devront s’acquitter d’une surtaxe de 8,5 % sur leurs bénéfices, en plus des 25 % déjà imposés. Cette mesure, qui devrait rapporter environ 8 milliards d’euros en 2025, s’inscrit dans une volonté de faire participer les grands groupes au redressement des finances publiques. « Il est temps que les entreprises les plus prospères contribuent à l’effort national », a déclaré Barnier lors d’une récente interview.
Cette initiative n’est pas une première. Une telle surtaxe avait déjà été introduite en 2017, touchant à l’époque plus de 300 entreprises. Cependant, cette nouvelle version de la taxe, bien que temporaire, pourrait raviver les débats sur la compétitivité des entreprises françaises, notamment face à leurs concurrents européens, alors que l’impôt sur les sociétés avait été abaissé ces dernières années pour favoriser la croissance.
Vers un renforcement de la fiscalité écologique : malus sur les voitures thermiques et lourdes
Parallèlement, le gouvernement entend renforcer la fiscalité écologique. Parmi les mesures phares, un durcissement de l’écotaxe sur les véhicules thermiques, avec un seuil d’émissions de CO2 abaissé progressivement de 118 g/km à 99 g/km d’ici 2027. En outre, le montant du malus pourrait grimper jusqu’à 90 000 euros pour les véhicules les plus polluants d’ici à la même échéance.
Un « malus masse » est également envisagé pour les voitures pesant plus de 1 500 kilos, à partir de 2026, afin de pénaliser davantage les véhicules énergivores. Ces mesures cumulées devraient rapporter environ 316 millions d’euros en 2025. Elles s’inscrivent dans une stratégie plus large visant à orienter les consommateurs et les constructeurs vers des alternatives moins polluantes, tout en préservant le pouvoir d’achat des ménages.
Taxer les rachats d’actions : un geste contre le cynisme des grandes entreprises
Autre piste de financement : la taxation des rachats d’actions, une pratique controversée utilisée par les grandes entreprises pour faire grimper artificiellement la valeur de leurs actions. La mesure proposée consisterait à imposer ces opérations à hauteur de 8 %, ciblant uniquement les entreprises dont le chiffre d’affaires dépasse le milliard d’euros. Le gouvernement espère ainsi récupérer environ 200 millions d’euros dès l’année prochaine.
Cette mesure fait écho à une critique exprimée par Emmanuel Macron lui-même, qui avait dénoncé le « cynisme » de certaines entreprises dans leur recours à cette pratique au détriment de l’investissement productif. Elle vise également à réorienter les grandes entreprises vers une gestion plus responsable de leurs capitaux, au profit de l’économie réelle.
Encadrement des locations Airbnb : une fiscalité révisée pour relancer le marché locatif
Dans un contexte de crise du logement, le gouvernement souhaite aussi mieux encadrer les locations de courte durée, notamment celles proposées sur des plateformes comme Airbnb. La nouvelle mesure fiscale prévoit de réintégrer les amortissements dans le calcul des plus-values réalisées lors de la revente de biens immobiliers loués par des particuliers non professionnels. Cet ajustement vise à augmenter le montant imposable de ces plus-values, une démarche qui pourrait, à terme, rediriger une partie des logements vers le marché locatif classique.
Un défi colossal pour combler un déficit record
L’ensemble de ces mesures, si elles sont appliquées, devraient permettre au gouvernement de récupérer environ 8,5 milliards d’euros en 2025. Cependant, combler le déficit public, qui nécessite entre 40 et 50 milliards d’euros d’économies et de recettes supplémentaires, demeure un défi de taille. Barnier l’a lui-même reconnu lors de son interview au Journal de Saône-et-Loire : « La situation est bien plus dégradée que ce que nous pensions à mon arrivée ». Face à ce constat alarmant, le Premier ministre n’exclut pas de présenter rapidement une loi de finances rectificative.
Malgré l’urgence, Michel Barnier reste ferme sur un point : les ménages modestes ne subiront pas de hausse d’impôts. Il s’agit là d’une promesse clé de son mandat, qu’il entend respecter coûte que coûte. Quant à l’impôt sur le revenu, il restera stable, au grand soulagement des classes moyennes.