Depuis l’annonce de la réforme des retraites, la majorité des Français peste et conteste. Mais, est-ce que l’on oublie pas une question fondamentale ?
Dévoilée le 10 janvier par Elisabeth Borne, la nouvelle réforme du système de retraites a pour objectif de rétablir les finances du régime et dont la mesure phare est un recul progressif de l’âge légal de départ. La réforme proposée par Elisabeth Born souhaite décaler l’âge légal de départ à la retraite à 64 ans en 2030 et d’accélérer l’allongement de la durée de cotisations à 43 ans dès 2027. Mais personne ne devra travailler plus de 44 ans. Et l’âge de la fin de la décote demeurera à 67 ans. Une mesure qui n’est pas au goût de tous les Français. Et qui met de côté de nombreuses questions et solutions, comme, notamment, l’employabilité des personnes âgées.
Les préjugés sur les seniors au travail
Il est difficilement possible d’avoir un débat sur la réforme des retraites sans se questionner sur la façon dont les seniors sont employés. Car, si l’idée est nous faire travailler plus longtemps, il faudrait également réformer la façon dont on emploie (pas) les seniors. En France, les stéréotypes véhiculés à l’encontre des travailleurs âgés sont nombreux et sont, en majorité, négatifs. Lors des embauches en France, les travailleurs âgés sont presque toujours systématiquement rejetés au profit de profils plus jeunes et dynamiques. Le problème ? Cette discrimination à l’embauche évidente n’est ni questionnée ni relevée. Ou alors, très rarement. Ainsi, 43% des travailleurs ont peur d’être, un jour, discriminés en cause de leur âge, (bien) devant l’apparence (23%), le diplôme (23%) puis le sexe (21%).
Le hic ? La difficulté des seniors à retrouver un emploi, sauf s’ils s’apprêtent à partir à la retraite, et qu’ils touchent le chômage longue durée, aura pour conséquence de perdre leurs indemnités. Pourtant, aujourd’hui, quatre employeurs sur dix considèrent que 45 ans est l’âge auquel on est considéré comme senior. Il est donc clair que passé la barre des 45 ans, il sera plus difficile de retrouver un emploi. Après le fait d’être enceinte, c’est le critère le plus rédhibitoire aux yeux des salariés comme des chômeurs (8 salariés et 9 demandeurs d’emploi sur 10 le déclarent). Et les faits sont clairs : après des testings avec des demandeurs d’emploi factice, il est apparu que, en 2006, un candidat de 48-50 ans avait en moyenne trois fois moins de chances qu’un candidat de 28-30 ans de passer le stade du tri de CV. En 2022, la situation n’a presque pas changé. Une personne ayant entre 48 et 55 ans a trois fois moins de chances d’être rappelée pour un entretien qu’un 23-30 ans. Il va donc de soit que travailler plus longtemps puisse être compliqué.
C’est quoi l’index senior ?
Pour améliorer le faible taux d’emploi des personnes âgées, le gouvernement prévoit la création d’un index seniors, mais c’est quoi exactement ? Pour pallier les petits 35,5% des 60-64 ans actifs, le gouvernement a donc une solution qui n’est autre que la création d’un « index seniors » qui obligerait les entreprises a déclarer le nombre d’employés de plus de 55 ans, mais également les actions mises en œuvres pour maintenir leur emploi. Il sera également enjoint aux entreprises de faire preuve de bonne volonté en dévoilant des mesures permettant de recruter davantage de « seniors ». Il sera obligatoire dès cette année pour les entreprises de plus de 1.000 salariés et à partir de 2024 pour les entreprises de plus de 300 salariés. Selon la Première ministre, Elisabeth Borne, il « permettra de valoriser les bonnes pratiques et de dénoncer les mauvaises ». Et si cet index se voulait incitatif du côté de la Première ministre, il n’en est rien du côté d’Olivier Dussopt, ministre du Travail, qui a confirmé que des sanctions financières seraient prises pour les entreprises de plus de 300 salariés en cas de « non-respect » de cet index.
« Une fausse bonne idée face à un vrai problème » selon Yannick L’Horty, professeur d’économie à Paris-Est et chercheur associé au Centre d’études de l’emploi (CEE) interrogé par 20 minutes. « Ce n’est pas un index qui le réglera, puisque le taux de seniors ne suffit pas à savoir si une entreprise est discriminante ou non. Cela dépend par exemple, du nombre de candidatures qu’elle reçoit et de comment elle les traite. Ce qu’il faut, c’est surveiller comment se déroulent les entretiens et les choix de CV, mener davantage d’opérations au sein des entreprises, pas afficher le pourcentage de salariés par âge » a-t-il expliqué. Au contraire, cet index pourrait avoir les effets tout à fait contraires : « Cela donne l’idée qu’il faut forcer les choses pour inciter le recrutement de seniors, que ce sont des boulets. Or, toutes nos études montrent que la performance d’une entreprise ne dépend pas de sa pyramide d’âge, et qu’avoir beaucoup de seniors ne diminue pas la productivité ».