Un sentiment de déjà-vu. C’était le vendredi 24 février. Alors que la cérémonie des César battait son plein, Nina, 24 ans et activiste climatique du collectif Dernière Rénovation, est apparue sur scène. L’idée ? Réveiller le public et élever les consciences. Debout, elle arborait un tee-shirt blanc sur lequel était inscrit « We have 761 days left », comprenez « il nous reste 761 jours ». Il n’en fallait pas plus pour que l’antenne soit coupée. Une supposée censure qui a provoqué un tollé, donnant suite à une tribune publiée dans Le Monde mais aussi et enfin, à une mise au point de la part de l’Académie.

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« Le rire de celui qui sait qu’’il est dans la merde »

Aux côtés d’Ahmed Sylla et de Léa Drucker, Nina reste silencieuse. Pourtant passive, celle-ci se fait embarquer par deux agents de sécurité. Côté téléspectateurs, la scène est d’autant plus déconcertante que la cérémonie s’arrête, «un traitement télévisuel à la russe : coupure immédiate du direct, basculement sur une bande d’images, avec message d’interruption façon Pravda», comme ironisent les critiques de Libé. Une scène qui a été « littéralement «coupée au montage», une opération in vivo qui aurait sûrement déchaîné les foudres d’un Godard pourtant abondamment hommagé quelques minutes plus tard». De leur côté, Ahmed Sylla et Léa Drucker n’en mènent pas large et affichent un grand sourire gênant. « Nos rires sont des rires de gêne, et non des rires moqueurs. Le rire de celui qui sait qu’il est dans la merde, mais qui ne veut pas transmettre son angoisse à la télévision, et devant cette salle », s’est ainsi défendu l’actrice sur Instagram alors que Canal + a invoqué » un «incident technique ».

Sur la Toile, il n’aura pas fallu longtemps pour que les internautes comparent la scène qui s’est produite lors de la 48ème cérémonie des César au film Don’t Look Up qui dénonce le déni climatique. Un tollé resté sans réponse pendant plusieurs jours. L’Académie a finalement tenu à s’expliquer, en détaillant notamment les protocoles à respecter lorsqu’une tierce personne fait irruption sur scène. Selon l’organisation, lors d’une situation similaire, qu’elle relève de l’activisme ou non, la directive est de couper le direct : «en vrai direct, sans aucun différé […] s’accompagne d’un protocole particulier : celui de l’interruption du direct dès lors qu’une personne extérieure à la cérémonie fait irruption sur scène». Pourtant, des interruptions au cours des différentes cérémonies des César, il y en a eu. Et ces dernières n’ont jamais écopé du même traitement. «L’irruption étant par définition imprévue, il aurait pu s’agir de n’importe quelle autre cause éminemment plus réprouvable. L’interruption de l’antenne est donc la réponse à cette incapacité de la part des organisateurs à déchiffrer dans l’urgence et avec certitude les intentions de la personne ».

 

Une tribune pour répondre à l’urgence climatique

Nina, la jeune activiste de 24 ans, avec son tee-shirt, faisait référence au dernier rapport du GIEC, qui estimait un délai de 761 jours pour rester sous la barre fatidique de 1,5 °C e réchauffement climatique. Si l’évènement a fait du bruit sur les réseaux sociaux, certains acteurs ont tenu à rappeler leur investissement dans la cause écologique et l’importance de sensibiliser le plus grand nombre. Cyril Dion, écrivain et militant écologiste, en a donc profité pour publier une tribune dans Le Monde, à laquelle certains acteurs dont Gilles Lellouche, Juliette Binoche ou encore Dominik Moll ont pris part.  « La question climatique, écologique, était totalement absente dans la cérémonie comme dans les films », a déploré Cyril Dion. « Golshifteh Farahani a lancé un bouleversant appel à soutenir les Iraniennes et Iraniens, […] la victoire de “La Nuit du 12” a permis d’aborder la question des féminicides et plus globalement des violences faites aux femmes » et « les questions des retraites et de la diversité culturelle ont été évoquées en filigrane ».

Si Ahmed Sylla a tenté l’humour sur scène, Cyril Dion est conscient qu’il n’existe pas un comportement idéal à adopter lors d’un événement de la sorte : « Nous comprenons que cette intervention ait pris tout le monde de court et qu’il existe des procédures pour les envahissements de plateau, continue la tribune. Mais si nous ne voulons pas ce type d’intrusion pendant les César, prévoyons de parler du sujet. Et surtout agissons ». Et de conclure en expliquant que le milieu du cinéma ne peut décemment pas continuer « à faire comme si de rien n’était et à décerner des récompenses en tenue de soirée, tandis que notre planète devient inhabitable ».

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