Les prémices de l’invasion russe en Ukraine par Vladimir Poutine ont été, en partie, justifiées par l’importance des traditions et valeurs conservatrices. Selon lui, envahir l’Ukraine le 24 février 2022 était un moyen de se prémunir des attitudes occidentales « qui conduisent directement à la dégradation et à la dégénérescence, car elles sont contraires à la nature ». En agissant de la sorte, Vladimir Poutine a en fait légitimé le combat LGBT.
Ukraine : un soutien plus important à la cause LGBT
L’objectif de Vladimir Poutine était clair : rallier les Ukrainiens conservateurs à sa cause. En effet, pendant de longues années, le chef d’Etat a fait de l’acceptation et de la reconnaissance légale des personnes LGBT, son cheval de bataille. Un sujet qu’il a et qu’il continue de militariser. Ainsi, le 24 novembre 2022, il adoptait une loi interdisant la « propagande » des « relations sexuelles non-traditionnelles ». Une loi qui s’appuie sur la législation déjà existante qui avait été adoptée par le Kremlin en 2013 pour promouvoir les valeurs familiales « traditionnelles » en Russie. Alors qu’en 2013, la loi concernait uniquement un public mineur, celle-ci étend ces restrictions à tous les âges. Ces interdictions concernent « les médias, Internet, la littérature et le cinéma », mais aussi la publicité. En somme, l’intégralité du champ public.
« La communauté LGBT+ ne doit pas être utilisée comme un instrument de confrontation idéologique par un régime non démocratique », avait alors déclaré Dilya Gafurova, responsable de la Fondation Sphère à Saint-Pétersbourg. Une inquiétude qui a finalement été justifiée puisque Poutine a érigé nombreux de ses combats politiques sur le socle de la cause anti-LGBT, en justifiant notamment son invasion de l’Ukraine par le manquement aux valeurs conservatrices. Ainsi, il espérait obtenir le soutien des populations ukrainiennes religieuses et conservatrices. Manque de chance, c’est tout le contraire qui s’est finalement produit. En effet, depuis le début du conflit, un important soutien aux personnes LGBT a été observé en Ukraine. Et c’est inédit.
La guerre, point de départ d’opinions neuves
Depuis le début de la guerre, en février 2022, les appels pour que les personnes LGBT aient accès aux partenariats civils se sont multipliés. Une conséquence directe de l’invasion russe. «Puisque Poutine a fait de l’homophobie un point majeur de sa politique et de l’idéologie russe, les gens l’associent automatiquement à ça», explique Inna Sovsun, parlementaire ukrainienne. «Alors si nous sommes différents de lui, nous devons être différents sur ce sujet-là aussi ». Et pour être différents, un projet de loi qui légaliserait les pacs entre personnes du même sexe, a ainsi été présenté. Un pari qui n’était pas gagné avant l’arrivée de la guerre puisque 60% des Ukrainiens avaient une vision négative de la communauté LGBT selon une étude menée en 2016 par l’organisation ukrainienne de défense des droits humains Nash Svit et l’Institut international de sociologie de Kiev. Depuis l’invasion de la Russie en Ukraine, les avis ont considérablement changé. Le soutien à l’égalité des personnes LGBT a presque doublé et l’opposition a de son côté diminué de 38%.
Un changement d’opinion qui aurait trois raisons différentes mais toutes intrinsèques à la guerre. Première raison et pas des moindres : les homosexuels se retrouvent en première ligne dans cette guerre. On estime qu’il y a des milliers de soldats homosexuels servant dans l’armée ukrainienne, selon Economist. Mais il y a également deux autres raisons principales pour lesquelles l’Ukraine est devenue largement hostile envers Poutine et donc son idéologie homophobe. La première raison est que l’Ukraine a pris un tournant vers l’égalité et l’inclusivité, qui est en opposition avec les valeurs propagées par Poutine. La seconde raison est que la guerre en Ukraine est largement considérée comme une lutte entre la démocratie libérale et l’autoritarisme, et de nombreux Ukrainiens voient leur mouvement vers une société plus égalitaire et inclusive comme faisant partie intégrante de leur orientation vers l’Europe et l’Occident. De plus, les difficultés rencontrées par les soldats LGBT sont de plus en plus reconnues. En effet, lorsqu’un soldat homosexuel est blessé ou tué au combat, l’absence de reconnaissance légale de son partenariat homosexuel peut entraver la prise de décisions médicales par son partenaire, empêcher l’organisation de ses funérailles et empêcher toute compensation de l’État à son partenaire survivant.
La guerre pourrait donc être le socle de nouveaux droits pour les personnes LGBT. Zelensky a d’ailleurs récemment exprimé son soutien à une plus grande égalité en réponse à une pétition appelant à la légalisation du mariage homosexuel. Il a par ailleurs expliqué qu’un tel changement nécessiterait de modifier la constitution du pays, qui « ne peut être modifiée pendant un état de guerre ou urgence. » Le changement, oui, mais après la guerre, donc.