Il aura fallu trois ans de recherches pour mettre en cause des « abus spirituels et sexuels » au sein de l’Eglise depuis l’année 1975. Publié ce lundi 26 juin par la commission interdisciplinaire des Frères de Saint-Jean, le rapport de huit cents pages fait état de 167 victimes d’agressions sexuelles.

Violences sexuelles à l’église : une « dimension systémique »

C’était un travail de longue haleine. Et pour cause, le sujet est important. Comment se fait-il qu’en son sein, l’Eglise connaisse des abus sexuels ? C’est la question à laquelle a voulu répondre la congélation des Frères de Saint-Jean avec un rapport intitulé « comprendre et guérir ». En effet, l’omertà ne pourrait endiguer ce problème qui semble récurrent. « Ce travail historique (…) semble être condition nécessaire pour que soit mis un terme à une dérive d’au moins 70 ans, qui outre les souffrances indicibles et les graves scandales qu’elle a provoqués, a aussi causé un obscurcissement de la foi chez nombre de victimes, trahies par les représentants du Christ », est-il ainsi écrit en introduction du rapport. 

« Outre les cas particulièrement odieux d’abus sexuels commis sur des mineurs, le nombre élevé d’abus sexuels, accompagnés de justifications, à l’égard de personnes majeures, a conduit la famille Saint-Jean à prendre conscience progressivement qu’elle faisait face à un grave problème spécifique », peut-on lire dans un communiqué publié le 27 juin.  Depuis 1975, il est indiqué que  « 72 frères ont commis des abus sexuels et 167 victimes de frères ont été dénombrées ». La majorité des faits commis auraient été dans le « cadre d’un accompagnement spirituel de femmes majeures », écrit la commission, qui précise que le terme abus sous-entend « des faits de nature diverse, allant des paroles de sollicitation à des viols ».  Trente religieuses, 69 femmes laïques, 29 mineures et 15 garçons mineurs ont été identifiés comme victimes.

Le rôle du père Marie-Dominique Philippe

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Décédé en 2006, le père Marie-Dominique Philippe est le fondateur de la communauté religieuse des frères de Saint-Jean. Et selon le rapport, il aurait joué un rôle central dans la propagation de ces violences sexuelles au sein de l’Eglise. Il « a eu un rôle direct et indirect par la formation intellectuelle qu’il donnait, parce qu’elle a favorisé chez un certain nombre de frères et sœurs des relations équivoques, des abus spirituels et sexuels », pointe le rapport. Ce dernier avait notamment enseigné une théologie qui allait « toujours dans le sens d’une justification des abus » et incitant, souligne les auteurs du rapport, « à des relations amoureuses, parfois sexuelles, entre frères et sœurs ». 

« Les actes sensuels étaient vus comme des moyens d’incarner l’amitié, et comme des lieux de croissance dans la chasteté, alors même qu’ils étaient pratiqués par des personnes consacrées », ont constaté les rédacteurs du rapport. De son côté, le magazine La Croix explique que « Marie-Dominique Philippe a fourni toutes sortes de justifications qu’il imposait aussi bien aux abuseurs qu’aux victimes qui le consultaient ». 

«Écœurés, atterrés, accablés. tels sont les mots qui montent à la lecture du rapport», a déploré la sœur Véronique Margron, présidente de la Conférence des religieux et religieuses de France (Corref) dans un communiqué. « Faire croire à autre chose que ce qui est communément admis comme juste, vrai, structurant pour la vie. Cette vaste entreprise s’est réalisée avec des stratégies, conscientes ou non, mais très efficaces, menant au détournement complet des limites, des interdits, bref de la différence entre bien et mal», a-t-elle résumé. 

En 2022, le chapitre général de la communauté a pris la décision « de ne plus se référer à la règle de vie écrite » par son fondateur.

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