C’est « l’affaire Théo ». Elle est devenue le symbole de la lutte contre les violences policières en France. Le 2 février 2017, Théo, 22 ans, est blessé au rectum, après qu’un policier lui a enfoncé sa matraque téléscopique, lors d’une interpellation à Aulnay-sous-Bois. Trois jours après, les quatre policiers sont mis en examen pour violences volontaires dont un qui le sera pour viol. A l’époque, alors que François Hollande est président, l’affaire donne lieu à de nombreuses manifestations et violences dans les rues de France. Sept ans, le procès s’ouvre pour dix jours.
Des séquelles irréversibles
C’est lors d’un simple contrôle d’identité que tout a dégénéré. L’interpellation a duré huit minutes. Entre 16h46 à 16h54, le jeune homme est violemment poussé contre un mur. Marc-Antoine Castelain, muni d’un bâton télescopique de défense, assène un coup brutal à travers le sous-vêtement du jeune homme, qui s’écroule sous la douleur. Victime d’une hémorragie sévère, le jeune homme est d’abord conduit au poste de police, puis évacué d’urgence à l’hôpital par les pompiers. Là, il subit une intervention chirurgicale pour une perforation rectale. Une déchirure d’environ 1 cm est constatée sur son caleçon. Ce jour-là, Théo reçoit la visite de François Hollande.
En août 2019, une expertise médicale révèle les séquelles permanentes du jeune homme suite à l’interpellation. Théo devra se soumettre à des soins à vie mais également à des séquelles psychologiques. L’experte médicale évaluait à 20% son taux d’atteinte permanente à l’intégrité physique et psychique à cause des « lésions sphinctériennes » en « relation certaine et directe avec l’interpellation ». « Monsieur Luhaka était un sportif professionnel. Il ne pourra plus pratiquer ce sport de manière professionnelle », indiquait-elle dans un rapport remis à la juge d’instruction. A l’époque et deux ans après les faits, le jeune homme souffrait d’une « incontinence active ».
Pourquoi les charges pour viol ont été abandonnées ?
Si les trois policiers ont été mis en examen pour violences volontaires, la qualification de viol, elle, a été abandonnée. En effet, si le coup a été retenu comme « volontaire », les éléments qui caractérisent un viol en droit pénal ne sont pas réunis. « Aucun propos à connotation sexuelle n’a été tenu par les policiers interpellateurs, ce que Théodore Luhaka a lui-même confirmé », avait expliqué la magistrate. Le coup de matraque qui a grièvement blessé Théo Luhaka aurait heurté « la bordure de l’anus », sans le pénétrer.
Quels faits sont reprochés aux policiers ?
L’enquête administrative de l’inspection générale de la police nationale a conclu à un « usage disproportionné de la force » des fonctionnaires. Selon elle, les « deux violents coups d’estoc » avec la matraque sont donnés à un moment où le jeune homme « ne commet pas d’atteinte envers l’intégrité physique des policiers interpellateurs ». Ce mardi 9 janvier, le principal accusé, âgé de 34 ans, est jugé pour des violences volontaires ayant entraîné « une mutilation ou infirmité permanente » sur la victime. Les deux autres, quant à eux, pour violences volontaires avec circonstances aggravantes, pour avoir notamment bousculé et porté des coups quand le jeune homme était menotté au sol. Le quatrième policier, qui était présent ce jour-là, a bénéficié d’un non-lieu. En effet, l’enquête avait démontré qu’il a « porté deux ou trois coups de pied » à Théo Luhaka, car celui-ci « lui avait saisi les poignets au début de l’interpellation, afin de se dégager ». Cela « ne constitue pas une violence illégitime », selon la juge d’instruction. Il sera entendu comme témoin lors du procès.
De son côté, Théo Luhaka assure ne pas vouloir « faire le procès de la police ». « Il y a sept ans, ce ne sont pas des policiers normaux auxquels j’ai eu affaire. (…) La vraie police (…) ce sont des héros qui sont là pour nous protéger » a-t-il déclaré dans les colonnes du Parisien. « Même après le procès, qu’ils s’en sortent libres ou détenus, ils m’auront toujours violé. Je veux que ma parole soit prise en compte ».