Depuis les accords de Nouméa en 1998, la Nouvelle-Calédonie bénéficie d’un statut particulier au sein de la République française. Ces accords ont été conçus pour permettre une décolonisation progressive et pour préparer une consultation sur l’indépendance. Une série de référendums sur l’indépendance a eu lieu, le dernier en 2021, avec des résultats majoritairement en faveur du maintien dans la République française. Les députés ont adopté, dans la nuit de mardi 14 à mercredi 15 mai, le projet de loi constitutionnelle modifiant le corps électoral de Nouvelle-Calédonie pour les élections. De quoi remettre de l’huile sur le feu.
Projet de loi sur le corps électoral
Dans la nuit du mardi 14 au mercredi 15 mai, l’Assemblée nationale a adopté un projet de loi constitutionnelle modifiant le corps électoral pour les élections au Congrès et aux assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie. Le vote a été marqué par un résultat de 351 voix pour, 153 contre et 3 abstentions. Ce texte, très contesté par les indépendantistes, a été examiné dans un climat particulièrement tendu, en raison des graves violences en cours en Nouvelle-Calédonie et du couvre-feu instauré à Nouméa, la capitale de l’archipel. Le projet de loi a été adopté dans les mêmes termes que ceux déjà validés par le Sénat, ouvrant la voie à une adoption définitive par les deux chambres du Parlement réunies en Congrès à Versailles. Toutefois, l’exécutif a indiqué que ce vote final n’aurait pas lieu immédiatement, laissant le temps pour tenter de conclure un « accord global » avec les parties prenantes locales, tant les indépendantistes que les loyalistes.
Concrètement, le projet de loi propose d’élargir le corps électoral pour les élections provinciales. Actuellement, ce corps électoral est « gelé » depuis l’accord de Nouméa de 1998. Le gel signifie que seuls ceux qui étaient déjà inscrits sur les listes électorales avant une certaine date, ainsi que leurs descendants, peuvent voter aux élections locales. Le projet de loi prévoit d’ouvrir le droit de vote aux natifs et aux citoyens vivant sur l’archipel depuis au moins dix ans. Le gouvernement affirme que le gel actuel du corps électoral empêche 42 596 personnes de voter lors des élections des assemblées de province et du Congrès de Nouvelle-Calédonie. Cela représente environ 20 % des électeurs inscrits sur les listes électorales générales. De nombreux résidents considèrent cette situation comme injuste, ce qui a conduit à la proposition de modifier les règles pour permettre à un plus grand nombre de personnes de participer aux élections.
Dégel du corps électoral : qu’est-ce que ça signifie ?
Depuis l’accord de Nouméa signé en 1998, le corps électoral en Nouvelle-Calédonie est « gelé ». Cela signifie que seuls les électeurs inscrits sur les listes électorales avant une certaine date (1998) et leurs descendants peuvent voter aux élections locales, comme celles du Congrès et des assemblées de province. Cette mesure visait à garantir que les décisions politiques soient principalement influencées par ceux qui ont vécu les transitions politiques post-accord et qui comprennent les enjeux historiques du territoire. Le dégel du corps électoral, proposé récemment, consiste à ouvrir le droit de vote à d’autres résidents, y compris ceux arrivés après la date de gel initiale. Cela permettrait à tous les citoyens français résidant en Nouvelle-Calédonie de participer aux élections locales, ce qui pourrait modifier significativement la composition électorale et l’équilibre des forces politiques.
Pour les unionistes, cela signifie une représentation plus inclusive, renforçant les liens avec la France et intégrant mieux les résidents de longue date. Pour les indépendantistes, cependant, cela diluerait l’influence des Kanaks, la population autochtone, et réduirait leurs chances de succès dans les futures consultations sur l’indépendance. Cette mesure est donc perçue comme une menace pour leur autonomie politique, alimentant les tensions et les divisions déjà présentes sur l’archipel.
Qui sont les Kanaks ?
Les Kanaks sont les populations autochtones de la Nouvelle-Calédonie, représentant environ 40 % de la population totale de l’archipel. Originaires de Mélanésie, ils ont une histoire millénaire sur ces terres. Leur culture est riche, caractérisée par des traditions orales, des danses, des chants et une organisation sociale basée sur des clans. La colonisation française au XIXe siècle a profondément bouleversé leur mode de vie, entraînant des expropriations et une marginalisation. Depuis les années 1970, les Kanaks mènent des mouvements pour l’indépendance, cherchant à préserver leur identité culturelle et à obtenir plus d’autonomie, comme en témoignent les accords de Matignon et de Nouméa. Aujourd’hui, les Kanaks continuent de lutter pour la reconnaissance de leurs droits et la préservation de leur culture face aux défis politiques et sociaux actuels.