La stupéfaction. L’une des plus grandes figures de la solidarité en France est accusé d’agressions sexuelles sur plusieurs femmes. C’est un rapport indépendant commandé par Emmaüs International, Emmaüs France et la Fondation abbé Pierre. Ces agressions auraient été commises entre la fin des années 1970 et 2005.

D’où viennent les témoignages ?

C’est en 2023 qu’une femme a pris contact avec les cadres d’Emmaüs. Et ce, même si l’abbé Pierre est décédé depuis 2007. L’enquête est alors confiée, trois mois après, au cabinet Egaé, présidé par Caroline De Haas, figure de la lutte contre les violences sexistes et sexuelles. Le rapport, rendu public cette semaine, contient huit pages de témoignages anonymisés de sept victimes présumées. Ces récits, couvrant une période allant de la fin des années 1970 à 2005, décrivent principalement des agressions sexuelles commises par l’abbé Pierre. La majorité des victimes sont des femmes, et leurs témoignages révèlent des comportements inappropriés et des gestes déplacés.

Parmi les sept témoignages, un élément ressort régulièrement : l’homme d’église touchait les poitrines des jeunes femmes, souvent mineures et imposait des baisers. Une des victimes assure avoir dû insister pour qu’il ne recommence pas, douze ans plus tard. « Je me suis avancée vers lui pour lui serrer la main, se souvient-elle. Il a essayé de mattirer vers la fenêtre. Je lui ai dit « Père, non ». Il ma dit « jen ai besoin ». Jai dit « non », il est parti ». Trois autres victimes ont peu ou prou le même témoignage, toujours concernant les palpations non consenties de la poitrine, et ce, pendant dix ans.

« Céder à la force du désir »

De son vivant, l’abbé Pierre a reconnu certains agissements. « Il mest arrivé de céder à la force du désir de manière passagère. Mais je nai jamais eu de liaison régulière, car je nai pas laissé le désir sexuel prendre racine. Cela maurait conduit à vivre une relation durable avec une femme. Jai donc connu lexpérience du désir sexuel et de sa très rare satisfaction », avait-il confié à Frédéric Lenoir, son confident. Des paroles retransmises dans l’autobiographie « Mon Dieu, pourquoi ? ».

Mais ce n’est pas tout. L’abbé Pierre avait affirmé « s’être pris de passion pour un jeune homme de son âge », lorsqu’il était adolescent, face à Marc-Olivier Fogiel. Son voeu de chasteté aurait été une source de souffrance pour le prêtre. « Il na jamais eu de volupté à briser ce vœu. Chaque fois que jen parlais avec lui, il en parlait avec remord car sans doute aurait-il voulu être fort comme Dieu à ce sujet », a déclaré l’écrivain Pierre Lunel.

Quelles réactions au sein de l’Eglise ?

©unsplash

Depuis ces révélations, de nombreuses personnes ont pris la parole, tantôt stupéfaits, tantôt pragmatiques. « L’abbé Pierre avait quand même une personnalité extrêmement particulière, estime une bénévole d’Emmaüs dans les colonnes du Huffington Post. Personne n’y voyait de problème, moi-même je m’en foutais. Mais ce n’est pas parce qu’il a fait des choses extraordinaires qu’il n’avait pas une face cachée plus noire ». Une autre bénévole fait part de son choc : « C’était quand même l’abbé Pierre ! C’était une personne pure, incapable de faire quelque chose sans le consentement de quelqu’un, qui respectait les gens (…) En général, quand les gens ont trop de pouvoir, même quand ils sont bons, ils ont tendance à en abuser… »

Pour d’autres, « les langues vont se délier et on n’est pas au bout ce que l’on apprendra, estime-t-elle. Comme dans les paroisses quand on disait que le Père Untel, il ne fallait pas laisser les enfants seuls avec lui. On a du pain sur la planche ».

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