Au 11e jour du procès des viols de Mazan, Dominique Pelicot, principal accusé, s’est exprimé pour la première fois devant la cour criminelle du Vaucluse. Après une absence de huit jours pour raisons de santé, cet homme de 71 ans, accusé d’avoir drogué et fait violer son épouse par des dizaines d’hommes pendant une décennie, a livré un témoignage troublant, oscillant entre confessions et tentatives de justification.
"Je reconnais les faits dans leur totalité"
Dès ses premiers mots, Dominique Pelicot a affirmé clairement : « Je reconnais les faits dans leur totalité ». Depuis le box, où un fauteuil a été installé pour ses problèmes de santé, il a décrit une enfance marquée par les traumatismes, pleurant en évoquant les abus sexuels dont il aurait été victime dans sa jeunesse. Ces événements, selon lui, seraient à l’origine de ses agissements. « Je ne retiens de ma jeunesse que des chocs et des traumatismes », a-t-il expliqué à la cour, tentant de faire un lien entre son passé et les crimes qu’il a commis.
Cependant, à mesure que l’interrogatoire progressait, Dominique Pelicot a progressivement changé de ton, se montrant plus offensif. Il n’a pas hésité à inclure les autres accusés dans sa reconnaissance de culpabilité : « Aujourd’hui, je suis un violeur comme ceux qui sont concernés dans cette salle. Ils savaient tous et ne peuvent pas dire le contraire », a-t-il insisté, provoquant l’agacement parmi les autres prévenus présents. Interrogé sur les vidéos qu’il avait méticuleusement classées sur son disque dur, Pelicot a expliqué qu’elles représentaient une « garantie » pour lui, une manière de pouvoir se défendre au cas où certains complices décideraient de le trahir. « Grâce à ces vidéos, on peut retrouver ceux qui ont participé à tout ça », a-t-il déclaré. Son discours a toutefois suscité des réactions négatives dans la salle, plusieurs co-accusés contestant sa version.
Tentative de déresponsabilisation ?
L’une des principales questions soulevées lors de ce procès est la manipulation que Dominique Pelicot aurait exercée sur les autres participants. Bien que certains témoins et experts aient décrit l’accusé comme un « fin manipulateur », Pelicot a nié cette étiquette. « Je ne suis pas un manipulateur. La seule personne que j’ai manipulée, c’est mon épouse », a-t-il affirmé, insistant sur le fait que les hommes impliqués dans les viols savaient ce qu’ils faisaient : « Ils acceptaient de se déshabiller dans la cuisine en toute connaissance de cause. Je ne leur mettais pas un fusil sur la tête ».
Cependant, cette version est vivement contestée par plusieurs des co-accusés. Certains ont affirmé qu’ils n’étaient pas pleinement conscients de la situation jusqu’à leur arrivée chez Pelicot, et l’un d’entre eux a marmonné en audience : « C’est un menteur ». Pour Paul-Roger Gontard, avocat de l’un des co-accusés, Pelicot tente de minimiser sa responsabilité en rejetant une partie de la culpabilité sur les autres participants : « Il cherche à restreindre sa responsabilité en faisant supporter à d’autres ».
La question de l'emprise sur son épouse
L’une des principales lignes de défense de Dominique Pelicot repose sur l’affirmation que son épouse, victime principale des viols, n’a jamais consenti à ces actes ni joué un rôle de complice. « En aucun cas, elle n’a été complice, ça a été à son insu », a-t-il déclaré, répondant aux questions de la cour. Il a ajouté qu’elle n’avait jamais eu la possibilité de choisir ou de refuser les hommes qui venaient la violer.
Cette défense peine toutefois à convaincre, notamment au regard des vidéos classées par Pelicot, qui montrent des actes de violence répétés, organisés méthodiquement sur une longue période. La cour a prévu de se pencher plus en détail sur le mode opératoire de l’accusé dans les jours à venir, afin de déterminer le niveau de conscience et d’implication des autres accusés.
Le témoignage de Dominique Pelicot lors de cette première prise de parole publique n’a fait qu’intensifier les tensions au sein du procès. Tout en reconnaissant les faits, il tente de minimiser sa propre responsabilité en insistant sur le rôle des autres prévenus, tout en cherchant à se dépeindre comme une victime de son passé traumatique. Cependant, ses propos sont régulièrement contestés, tant par ses co-accusés que par les avocats. Alors que le procès continue, la cour va désormais approfondir les méthodes employées par Pelicot et sa relation avec ses complices, un élément clé pour comprendre l’étendue des violences perpétrées pendant près de dix ans.