Le 20 décembre, Taleb Jawad al-Abdulmohsen, un psychiatre saoudien de 50 ans, a fauché la foule avec un puissant véhicule BMW, causant la mort de cinq personnes et blessant plus de 200 autres. Pour l’heure, le mystère demeure toujours intact quant aux motivations de l’assaillant. Le gouvernement allemand, sous la pression d’une opposition particulièrement critique, peine à apporter des réponses claires.
« Cet acte horrible m’occupe l’esprit sans discontinuer », a déclaré le chancelier Olaf Scholz dans un entretien avec le site t-online vendredi dernier. Promettant de faire toute la lumière sur d’éventuels « manquements des autorités », il a admis que « des indications répétées ont été faites au fil des ans » concernant le comportement troublant de Taleb Jawad al-Abdulmohsen.
Un suspect connu, mais mal évalué
L’attaque a replacé les questions de sécurité et d’immigration au centre du débat public en Allemagne, à deux mois des législatives anticipées. Taleb Jawad al-Abdulmohsen, installé en Allemagne depuis 2006 avec le statut de réfugié, était loin d’être un inconnu pour les autorités. Dès 2013, il avait été condamné à une amende pour « troubles à l’ordre public » et « menaces de commettre des crimes », selon des documents judiciaires cités par Die Welt. Plus récemment, en 2023 et 2024, la police avait mené deux entretiens avec lui dans le cadre de protocoles visant à dissuader les comportements dangereux.
L’Arabie saoudite, son pays d’origine, avait alerté Berlin à plusieurs reprises sur sa dangerosité, demandant même son extradition. Mais selon une source proche du gouvernement saoudien citée par l’AFP, la police allemande avait conclu après une évaluation de risque qu’il ne représentait pas de « danger particulier ». Cette conclusion, désormais fortement contestée, a été vivement critiquée par le parti d’extrême droite AfD. « L’acte était prévisible pour tout le monde », a déclaré un représentant de l’AfD après les auditions parlementaires, rapportées par Der Spiegel.
Des questions sans réponse
Personnalité difficile à cerner, Taleb Jawad al-Abdulmohsen aurait exprimé des opinions contradictoires et troublantes. Hostile à l’islam, il partageait également des théories conspirationnistes sur une prétendue « islamisation » de l’Europe, tout en dénonçant les lenteurs administratives des services d’immigration allemands. Ces déclarations, proférées sur des milliers de publications sur les réseaux sociaux, ont été évoquées par la ministre de l’Intérieur Nancy Faeser lors de son audition devant la commission parlementaire. Selon ses propos rapportés par Die Zeit, « Il existe des milliers de tweets de l’agresseur. C’est la raison pour laquelle tout n’est pas encore sur la table. »
Malgré ces explications, la pression politique reste intense. Accusé de manquer de fermeté envers les réfugiés jugés dangereux, le gouvernement Scholz est confronté à un débat de fond sur la gestion des flux migratoires et la sécurité publique. Mme Faeser a reconnu que les différentes administrations auraient pu mieux collaborer pour partager les informations disponibles, tout en estimant que le drame « n’aurait pas pu être évité », selon des propos rapportés par l’agence DPA.
Une enquête sous haute tension
L’affaire soulève aussi des interrogations sur la sécurité du marché de Noël de Magdebourg. La ministre de l’Intérieur de Saxe-Anhalt, Tamara Zieschang, a indiqué lors d’une conférence de presse relatée par Frankfurter Allgemeine Zeitung que l’enquête portait également sur les dispositifs de sécurité en place au moment de l’attaque. La tour de contrôle avait signalé une tentative de communication avec le conducteur avant l’impact, sans succès.
Alors que les deux boîtes noires du véhicule ont été retrouvées, les conclusions de l’enquête s’annoncent cruciales pour déterminer les responsabilités. En attendant, le drame continue de hanter une Allemagne en quête de réponses et d’apaisement. Comme l’a souligné Olaf Scholz : « Nous devons tout faire pour que ce genre d’horreur ne se reproduise jamais. »