Le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau a ravivé le débat sur le port du voile dans les espaces publics, en appelant à son interdiction pour les accompagnatrices des sorties scolaires et, à titre personnel, à l’université. Des mesures qu’il justifie au nom de la lutte contre l’islamisme, mais qui soulèvent des interrogations sur les limites de la liberté religieuse en France.
Dans une interview au Parisien ce lundi, Bruno Retailleau a exprimé son souhait de légiférer pour interdire le port du voile aux accompagnatrices des sorties scolaires, arguant que « les sorties scolaires, c’est l’école hors les murs ». Selon lui, la loi de 2004, qui interdit les signes religieux ostensibles dans les établissements scolaires, devrait s’appliquer à ces activités. Cette déclaration s’inscrit dans une perspective plus large : le ministre plaide pour une extension des règles de la laïcité à d’autres espaces publics, notamment les compétitions sportives. En filigrane, il estime que le voile « n’est pas qu’un simple bout de tissu : c’est un étendard pour l’islamisme, et un marqueur de l’infériorisation de la femme par rapport à l’homme ».
Cependant, cette position suscite des débats. Pour l’historien Charles Mercier, spécialiste de la laïcité, les interdictions portées à la liberté religieuse doivent être strictement encadrées et justifiées. « La laïcité française repose sur la neutralité de l’État, pas sur l’effacement des convictions personnelles dans tous les espaces », rappelle-t-il.
L'université et les « nouveaux champs » de la laïcité
Bruno Retailleau s’est également dit « personnellement favorable » à une interdiction du port du voile à l’université, bien que cette position ne figure pas encore dans une proposition de loi officielle. Il a inscrit cette idée dans sa « bataille contre le totalitarisme islamique », qu’il juge loin d’être gagnée. Selon lui, cette lutte vise à préserver des principes fondamentaux tels que l’égalité hommes-femmes, la liberté de conscience et la laïcité. Cette proposition risque néanmoins d’intensifier les tensions. L’université, traditionnellement perçue comme un espace de liberté académique et personnelle, échappe pour l’instant aux règles strictes imposées à l’école. Certains juristes soulignent que cibler une population spécifique pourrait contrevenir aux droits fondamentaux inscrits dans la Constitution.
L’historien Charles Mercier tempère également cette approche, rappelant que « la laïcité ne doit pas devenir un instrument pour stigmatiser une partie de la population ». Il ajoute que « les débats autour du voile doivent être d’une grande rigueur, car ils touchent à l’équilibre entre le respect des libertés individuelles et la préservation de l’ordre public ».
Une lutte contre l'islamisme, mais aussi une réflexion sur la société
À la veille des commémorations des attentats de janvier 2015, le ministre de l’Intérieur souligne que « la France pourrait être frappée de nouveau » par le terrorisme islamiste, insistant sur la nécessité d’une vigilance accrue. Il désigne l’islamisme des Frères musulmans comme une menace directe pour la cohésion nationale et les institutions françaises. Dans ce contexte, Bruno Retailleau assure que son combat n’est pas dirigé contre l’islam en tant que religion, mais contre une idéologie politique qui « défigure cette religion ». Une nuance importante pour éviter des amalgames dans une société déjà polarisée sur ces questions.
Ce débat, qui cristallise les passions, interroge sur la manière dont la France articule ses principes républicains face aux défis contemporains. Alors que la neutralité de l’État reste un pilier de la laïcité, la question des restrictions dans les espaces publics soulève des préoccupations sur l’équilibre entre sécurité, égalité et liberté individuelle.