Chaque année, le dernier dimanche de mars, les aiguilles avancent d’une heure. À 2 heures du matin, il sera 3 heures. Résultat : une heure de sommeil en moins, et une désynchronisation de notre rythme naturel. Si ce passage à l’heure d’été est souvent vécu comme une réjouissance – car il rallonge les soirées –, il s’accompagne pourtant d’une série de perturbations physiologiques bien documentées.
Selon le neurobiologiste Claude Gronfier, chercheur à l’Inserm et président de la Société francophone de chronobiologie, interrogé par 20 minutes, ce changement est bien plus brutal que celui vers l’heure d’hiver : « L’horloge biologique doit être avancée d’une heure, ce qui est plus compliqué pour notre organisme ». En moyenne, nos corps ont déjà tendance à être légèrement en décalage (10 à 15 minutes de retard par jour), ce qui rend l’ajout d’une heure encore plus difficile à absorber.
Armelle Rancillac, chercheuse en neurosciences également à l’Inserm, ajoute dans Ouest-France que cette heure perdue aggrave une dette de sommeil déjà chronique : « Depuis cinquante ans, on a perdu en moyenne 1h30 de sommeil par nuit. Ce changement accentue les effets du manque de sommeil : somnolence, troubles de l’attention, risques accrus d’accidents de la route ou d’infarctus ».
Les couche-tard et les plus fragiles en première ligne
Toutes les personnes ne sont pas égales face à ce bouleversement horaire. En première ligne : les enfants, les personnes âgées, les travailleurs de nuit ou ceux souffrant de troubles du sommeil. Mais également les adolescents et les adultes à chronotype tardif – autrement dit, les « couche-tard » naturels – pour qui l’adaptation est encore plus difficile. « Chez ces profils, le décalage naturel du rythme circadien est encore plus important, souvent jusqu’à 30 minutes », explique l’Inserm. Avancer son horloge d’une heure revient donc à accentuer un jetlag social déjà présent toute l’année.
Au-delà de la fatigue, ce changement d’heure a des conséquences insidieuses sur la santé mentale et physique : baisse de la concentration, troubles digestifs, irritabilité, et même une diminution de l’empathie, selon certaines études citées par les chercheurs. Malgré une large volonté des Européens de mettre fin à cette pratique, le changement d’heure persiste encore en 2025. À quand la fin des aiguilles qui chamboulent notre horloge biologique ? En attendant, mieux vaut anticiper et adapter son rythme quelques jours avant le basculement pour limiter les effets néfastes.
Pourquoi change-t-on d’heure ?
Le changement d’heure a été instauré pour des raisons économiques, dans le but d’optimiser l’usage de la lumière naturelle et ainsi réduire la consommation d’énergie. En France, cette mesure a été adoptée pour la première fois en 1976, à la suite du choc pétrolier de 1973. L’idée était alors de profiter plus longtemps de la lumière du jour en soirée, notamment pour limiter l’éclairage artificiel.
Depuis 2002, les dates de passage à l’heure d’été et d’hiver sont harmonisées au niveau européen : l’heure d’été débute le dernier dimanche de mars et se termine le dernier dimanche d’octobre. Pourtant, cette mesure est de plus en plus contestée. En 2019, une vaste consultation publique lancée par la Commission européenne avait révélé qu’une majorité de citoyens souhaitaient y mettre un terme. Malgré cela, l’unification des fuseaux horaires et les désaccords entre pays membres ont jusqu’ici empêché la suppression définitive du changement d’heure.