Le meurtre s’est produit vendredi 26 avril, aux alentours de 8h30 du matin, dans la petite salle de prière Khadidja, située dans le hameau de Trescol, à La Grand-Combe, au nord d’Alès. À ce moment-là, Aboubakar, un jeune homme de 23 ans connu pour son engagement bénévole dans la mosquée, était seul dans les lieux pour effectuer le nettoyage hebdomadaire avant la prière du vendredi.

40 à 50 coups de couteau dans une mosquée : un crime d'une extrême violence

C’est là que son agresseur, identifié comme « Olivier H. », un Français d’une vingtaine d’années issu d’une famille bosniaque, est entré. Après avoir échangé quelques mots, et demandé à la victime de lui apprendre la prière, il a sorti un couteau et a asséné entre 40 et 50 coups mortels à Aboubakar. Sur des images filmées par le meurtrier lui-même, on entend ce dernier crier à deux reprises : « Je l’ai fait (…) ton Allah de merde », confirmant le mobile haineux de l’attaque. À la suite du meurtre, le suspect a pris la fuite, en prenant soin de filmer la scène et de la diffuser sur les réseaux sociaux. Selon le procureur d’Alès, Abdelkrim Grini, Olivier H. se montre dans cet enregistrement « d’une grande froideur » et aurait même exprimé son intention de recommencer. Il est toujours activement recherché, considéré comme extrêmement dangereux.

La mosquée était équipée de caméras de surveillance intérieure et extérieure, dont les images confirment la chronologie de l’attaque. Selon les enquêteurs, le suspect ne semble remarquer leur présence qu’après son geste meurtrier. « Je vais être arrêté, c’est sûr », aurait-il déclaré dans sa propre vidéo, selon des éléments communiqués par le parquet. Pour l’instant, l’enquête est confiée au groupement de gendarmerie du Gard et à la section de recherches de Nîmes, mais le parquet national anti terroriste (Pnat) « suit de près » le dossier et évalue l’opportunité de s’en saisir officiellement.

Une mobilisation politique discrète… et critiquée

Le Premier ministre François Bayrou a rapidement condamné « une ignominie islamophobe » sur X, assurant que « les moyens de l’État sont mobilisés pour que l’assassin soit saisi et puni ». De son côté, Jean-Luc Mélenchon a rappelé que « l’islamophobie tue » et accusé ceux qui « entretiennent cette haine » d’être « coupables ».

Mais pour certains responsables associatifs, cette mobilisation politique reste largement insuffisante. Dominique Sopo, président de SOS Racisme, a vivement dénoncé dimanche sur franceinfo « le silence assourdissant » d’une partie de la classe politique. « Je me demande si M. Retailleau avait piscine », a-t-il ironisé, visant directement le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau. « Il a su se précipiter à Nantes après le drame du lycée (…) « pour raconter à peu près n’importe quoi ». « Là, il a su s’exprimer, se déplacer, se prendre pendant quelques instants pour le ministre de l’Education nationale mais, en tant que ministre des cultes, lorsque l’information que ce crime est au moins en partie motivé par la haine envers les musulmans, il y a un silence pour le moins assourdissant », a-t-il poursuivi sur Franceinfo. Le responsable associatif s’inquiète également de la banalisation croissante des actes islamophobes dans le pays : « Ce crime est le point culminant d’une montée d’excitation haineuse dans une partie de la société », a-t-il ajouté, appelant à « un sursaut collectif » contre ces violences.

Une haine décomplexée

Selon les premiers éléments de l’enquête, l’auteur présumé du crime n’était pas connu des services de police. Détail glaçant : dans son manifeste diffusé sur les réseaux sociaux, Olivier H. aurait tenu des propos confus mêlant rejet de la religion, haine des musulmans et délire de persécution. « On est face à un acte d’une sauvagerie inouïe », a encore martelé Dominique Sopo, qui réclame que l’ensemble des actes et menaces contre les musulmans soient systématiquement répertoriés et poursuivis. « Quand l’auteur d’un meurtre de cette nature n’est même pas qualifié de terroriste en 24 heures, on mesure l’ampleur de l’indignation à géométrie variable », a enfin regretté un militant associatif local, interrogé par franceinfo.

En hommage à la victime, une marche blanche a eu lieu dimanche après-midi dans les rues de La Grand-Combe. De nombreux habitants ont souhaité exprimer leur soutien à la famille d’Aboubakar, unanimement décrit comme « un jeune homme discret, généreux, et aimé de tous ». Le maire de la commune, Patrick Malavieille, a pris la parole pour dénoncer « un crime abject » et appelé à « ne pas céder à la haine ni à l’indifférence ». Tandis que l’auteur de ce meurtre est toujours en fuite, une question reste posée avec acuité : combien faudra-t-il encore de drames pour que l’islamophobie soit enfin prise au sérieux ? 

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