Mardi 13 mai, sur le plateau de TF1, Emmanuel Macron a déclaré être favorable à la location de places de prison à l’étranger pour faire face à la surpopulation carcérale en France : « Oui, on louera, si besoin était, les places de prison là où elles sont disponibles. Il n’y a pas de tabou là-dessus », a-t-il affirmé face à Robert Ménard, maire de Béziers. Le chef de l’État a présenté cette solution comme « pragmatique », ajoutant vouloir « changer les règles » de construction des prisons pour obtenir des « structures plus légères et rapides à bâtir ».
Un projet qui choque le monde carcéral
Les réactions du milieu pénitentiaire ne se sont pas fait attendre. Pour Dominique Simonnot, contrôleure générale des lieux de privation de liberté, « ce n’est pas la marque d’un grand pays que d’envoyer ses détenus ailleurs que sur son territoire national ». Elle rappelle que la Belgique avait testé ce modèle entre 2010 et 2016 aux Pays-Bas, louant 650 places pour un coût de 300 millions d’euros : « Les Belges en sont revenus, ça s’est très mal passé, notamment au regard de l’impossible maintien du lien entre les détenus et leurs proches », déclare-t-elle à BFMTV.
Une position partagée par Estelle Carraud, secrétaire générale du SNEPAP-FSU, le principal syndicat des personnels pénitentiaires : « Qui sera concerné ? Où enverra-t-on les détenus et avec quel argent ? Quelle langue parlent les surveillants, les encadrants et agents ? », interroge-t-elle dans les colonnes du Parisien. « On va droit dans le mur et les politiques sous-estiment la responsabilité de leur parole ». Elle estime que « ce projet fou ne répond pas à la réalité du terrain, mais à des perspectives plus politiques ».
Une mesure déjà testée ailleurs
Des pays européens ont déjà expérimenté la location de cellules à l’étranger. La Belgique fut la première en 2010, suivie de la Norvège en 2014. Plus récemment, le Danemark a signé un accord pour louer 300 places de prison au Kosovo. La Suède, elle aussi confrontée à une pénurie de places, envisage la même solution, avec un besoin estimé de 27.000 lits d’ici dix ans. Mais ces dispositifs sont coûteux et complexes à mettre en place. En Belgique, par exemple, c’est le droit belge qui s’appliquait sur le sol néerlandais, avec un directeur belge et un personnel néerlandais spécialement formé.
Au 1er avril 2025, 82.921 personnes étaient détenues en France, pour seulement 62.358 places disponibles. La densité carcérale dépasse donc les 133 % (Ministère de la Justice, statistiques pénitentiaires 2025). Pour Joaquim Pueyo, ancien directeur de la maison d’arrêt de Fleury-Mérogis et maire PS d’Alençon, « il n’y a pas plus de détenus en France qu’ailleurs en Europe, mais beaucoup moins de places », argue-t-il au micro de France Inter. Il plaide pour la construction de nouveaux établissements, tout en soulignant que « la privation de liberté ne convient pas à toutes les situations ».
Des alternatives possibles
Estelle Carraud insiste : « D’autres solutions existent, comme les peines de probation ou les aménagements de peine en milieu ouvert ». Elle préconise un « changement total de paradigme » avec l’introduction d’un numerus clausus par établissement pour stopper la surpopulation. Cette proposition présidentielle, lancée sans détails sur les pays partenaires, les coûts ou le cadre juridique, soulève ainsi de nombreuses interrogations. Si elle a été pensée comme une réponse pragmatique, elle pourrait bien devenir, selon les professionnels, une source de chaos logistique, judiciaire et humain.