C’est la conclusion d’une étude publiée le 6 mai 2025 dans la revue Occupational & Environmental Medicine, qui s’intéresse pour la première fois de manière aussi poussée aux effets neurologiques du surmenage professionnel. Les résultats ont de quoi inquiéter : certaines régions du cerveau liées à la mémoire, aux émotions ou encore à l’attention montreraient des altérations mesurables.

Une étude sur les professionnels de santé sud-coréens

Pour explorer ces effets, une équipe de chercheurs sud-coréens a analysé les IRM de 110 professionnels de santé, dans le cadre de la cohorte régionale Gachon (GROCS). Parmi eux, 32 travaillaient 52 heures ou plus par semaine — soit au-delà de la limite légale en Corée du Sud — contre 78 employés aux horaires plus standards. Cette répartition a permis aux chercheurs de comparer deux profils de travailleurs aux charges de travail nettement différentes.

Dans un communiqué, les auteurs expliquent avoir observé des différences significatives de volume cérébral entre les deux groupes. Chez les individus dits « surmenés », le volume du gyrus frontal moyen — une région du cerveau impliquée dans des fonctions exécutives comme la mémoire de travail, l’attention et le traitement du langage — était augmenté de 19 %. D’autres zones, comme le gyrus frontal supérieur et l’insula, étaient également impactées. Ces régions sont connues pour jouer un rôle dans la perception de soi, la régulation émotionnelle et l’intégration des signaux corporels.

Le cerveau sous stress chronique : une réponse neuro-adaptative ?

Ces altérations peuvent-elles être interprétées comme des dommages ? Pas forcément, selon les chercheurs. Les résultats sont encore exploratoires, mais ils pourraient révéler des mécanismes de « réponse neuro-adaptative au stress chronique ». En d’autres termes, le cerveau modifierait certaines structures pour tenter de faire face à une charge mentale trop importante. « Les changements observés dans le volume cérébral pourraient fournir une base biologique aux difficultés cognitives et émotionnelles souvent rapportées chez les personnes surmenées », écrivent les auteurs dans leur étude.

Interrogé par CNN, le professeur Joon Yul Choi, co-auteur de l’étude et professeur adjoint en génie biomédical à l’Université Yonsei à Séoul, précise cependant que ces changements « pourraient être en partie réversibles si les facteurs de stress environnementaux — notamment une charge de travail excessive — sont éliminés ».

Une alerte pour la santé au travail

Cette étude intervient dans un contexte mondial de réflexion sur le bien-être au travail. Depuis la pandémie de Covid-19, les frontières entre vie professionnelle et vie personnelle sont devenues plus floues, et les burn-outs sont en hausse constante. En France, une étude de Malakoff Humanis publiée en 2024 indiquait que 41 % des salariés se disent en situation de surcharge de travail au moins une fois par semaine.

Pour les auteurs sud-coréens, ces résultats doivent encourager à prendre le surmenage au sérieux, non seulement comme un facteur de mal-être mais aussi comme une menace concrète pour la santé cognitive. « Ces résultats soulignent l’importance de considérer le surmenage comme un véritable enjeu de santé publique et la nécessité de politiques visant à limiter les horaires excessifs », affirment-ils dans leur article.

Le cerveau, miroir de notre rapport au travail ?

Ce que révèle cette étude, c’est aussi la manière dont le cerveau s’adapte — ou tente de s’adapter — à un environnement de travail hostile. Si certaines régions augmentent de volume, cela pourrait trahir une hyperactivité compensatoire. Une forme de plasticité cérébrale qui a ses limites. En attendant de futures études sur des cohortes plus larges, le message est clair : au-delà d’un certain seuil, le cerveau humain paie le prix fort pour quelques heures de travail supplémentaires. Et ces effets pourraient s’accumuler au fil des années.

Comme le résume joliment CNN dans son analyse publiée le 9 mai 2025 : « Si vous cherchiez une bonne raison de quitter le bureau plus tôt, dites à votre patron que vous protégez votre cerveau. »

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