À Vendin-le-Vieil, les avocats des premiers détenus dénoncent des conditions de détention « indignes », dans une prison ultra-sécurisée dédiée aux narcotrafiquants.
La prison de Vendin-le-Vieil, dans le Pas-de-Calais, a officiellement entamé sa nouvelle mission : devenir un centre ultra-sécurisé réservé aux narcotrafiquants les plus dangereux de France. Une décision stratégique du ministère de la Justice, saluée par Gérald Darmanin, mais vivement critiquée par les avocats des premiers détenus transférés.
Depuis quelques jours, 17 prisonniers, tous condamnés ou poursuivis pour des faits de trafic de drogue à grande échelle, ont été incarcérés dans cet établissement désormais reconfiguré pour accueillir des profils à risque. Selon le gouvernement, ce regroupement doit permettre une meilleure surveillance et réduire les réseaux criminels actifs en détention.
Des conditions de détention contestées par la défense
Mais ce virage sécuritaire ne fait pas l’unanimité. Plusieurs avocats dénoncent des atteintes aux droits fondamentaux de leurs clients, pointant du doigt des conditions de détention qu’ils jugent inacceptables. Maître Marie Violleau, avocate d’un détenu transféré, n’a pas mâché ses mots sur BFMTV : “Ce qui est en train de se passer est largement considéré comme une honte pour la République.”
Parmi les points les plus décriés :
- L’isolement carcéral renforcé, avec une interaction très limitée entre les détenus
- La suppression des parloirs classiques, remplacés par des parloirs avec hygiaphone (vitre + interphone)
- La fin des unités de vie familiale, qui permettent habituellement aux prisonniers de passer quelques heures avec leurs proches dans un cadre plus humain
- Des fouilles systématiques à l’issue de chaque visite, jugées humiliantes
Pour la défense, ces mesures créent une rupture brutale avec le droit à une vie familiale et participent d’une logique de déshumanisation. Pris de court, les avocats n’ont pas pu déposer de recours avant les transferts, faute d’informations précises sur les dates et les conditions de détention. C’est donc après coup qu’ils entendent agir, en s’appuyant sur une décision rendue le 21 juillet par la cour d’appel de Douai.
Dans cette affaire, la juridiction a reconnu que les conditions de détention imposées à Rédoine Faïd — célèbre braqueur et multirécidiviste de l’évasion — étaient « contraires à la dignité de la personne humaine ». La prison est ainsi sommée d’y mettre fin « par tout moyen » dans un délai d’un mois. Un tournant juridique majeur pour les avocats, qui voient dans cet arrêt un levier pour contester les conditions de détention de leurs propres clients à Vendin-le-Vieil.
Une logique électorale derrière la rigueur sécuritaire ?
Si le ministère de la Justice met en avant des impératifs de sécurité face à la montée du narcotrafic, la défense y voit surtout une instrumentalisation politique. Toujours sur BFMTV, Maître Violleau s’indigne : “C’est un recul absolu de nos libertés, de notre Histoire. (…) Notre ministre utilise la peur que génère le narcotrafic comme un argument électoral.” Le message est clair : selon les avocats, les mesures appliquées à Vendin-le-Vieil relèvent moins d’une nécessité pénitentiaire que d’un discours sécuritaire à visée populiste, au détriment du respect des droits fondamentaux.
Le centre pénitentiaire de Vendin-le-Vieil n’en est qu’au début de sa transformation. De nouveaux détenus sont attendus dans les prochaines semaines. Parmi eux, Mohamed Amra, impliqué dans un vaste réseau de trafic de stupéfiants et dans l’évasion spectaculaire de Caen en mai dernier. Son avocat, Me Benoît David, s’est montré fataliste : “Il n’a pas souhaité de débat contradictoire sur son transfèrement. Et il a parfaitement raison, car ces débats sont un leurre. Les décisions sont déjà prises.”
Un modèle carcéral en question
La situation à Vendin-le-Vieil illustre une évolution plus large de la politique carcérale française. L’idée de créer des centres spécialisés pour certains profils de détenus — terroristes, trafiquants, leaders de gangs — fait son chemin. Mais cette logique de séparation stricte, bien que sécurisante pour l’État, interroge les défenseurs des libertés individuelles.
Si la décision de la cour d’appel de Douai venait à faire jurisprudence, elle pourrait freiner l’extension de ce modèle carcéral ultra-rigide, ou au moins contraindre l’administration pénitentiaire à revoir ses méthodes.