La mobilisation citoyenne contre la loi Duplomb dépasse tous les précédents. Ce lundi 28 juillet, la pétition réclamant l’abrogation du texte a franchi la barre symbolique des deux millions de signatures sur le site de l’Assemblée nationale. Un record qui reflète une inquiétude profonde sur les enjeux sanitaires, écologiques et démocratiques soulevés par cette loi agricole controversée.

Que contient la loi Duplomb ?

Adoptée après un parcours parlementaire houleux, la loi Duplomb-Menonville — du nom des sénateurs LR et centristes qui l’ont portée — cristallise les critiques autour d’un point en particulier : la réintroduction de l’acétamipride, un pesticide interdit en France depuis 2018, mais toujours autorisé au niveau européen jusqu’en 2033. Ce néonicotinoïde, utilisé notamment dans la culture de betteraves et de noisettes, est jugé toxique pour les abeilles par de nombreux apiculteurs. Ses effets sur l’homme restent flous, faute d’études approfondies, mais les associations de santé publique alertent sur un risque sanitaire potentiel, en particulier pour les enfants. Les producteurs agricoles favorables à la loi, eux, plaident l’absence de solutions alternatives et dénoncent une distorsion de concurrence avec leurs homologues européens, toujours autorisés à employer l’acétamipride.

Une pétition née d’un simple post sur LinkedIn

À l’origine de ce mouvement, une étudiante de 23 ans, Éléonore Pattery, en master à Sciences Po, qui écrivait le 10 juillet : « Aujourd’hui je suis seule à écrire, mais non seule à le penser. » Dix-sept jours plus tard, les faits lui donnent raison. Relayée massivement par des ONG, des partis politiques et des personnalités publiques comme Pierre Niney, Julien Doré ou EnjoyPhoenix, sa pétition atteint un niveau inédit de soutien pour un texte hébergé sur la plateforme officielle de l’Assemblée. Sur LinkedIn, la jeune femme commente : « Ce succès prouve que l’intelligence collective existe – et qu’elle triomphera, tôt ou tard ». 

Le seuil des 500 000 signatures, franchi dès le 21 juillet, a déclenché l’organisation obligatoire d’un débat à l’Assemblée nationale. Mais cette discussion n’aura aucun pouvoir contraignant : le texte ayant déjà été adopté, le débat ne pourra qu’exprimer des positions politiques sans remettre en cause les mesures votées. 

Un texte dans l’attente du Conseil constitutionnel

Désormais, le sort de la loi est suspendu à la décision du Conseil constitutionnel, saisi par les parlementaires de gauche, qui jugent le texte incompatible avec le droit à la santé et à la préservation de l’environnement. Le Conseil rendra sa décision le 7 août prochain. Emmanuel Macron, qui reste pour l’heure en retrait, a indiqué lors du Conseil des ministres vouloir « attendre la décision des Sages », tout en appelant à concilier « science » et « juste concurrence » (propos rapportés par Sophie Primas, porte-parole du gouvernement).

Face à cette contestation massive, le gouvernement marche sur des œufs. La ministre de l’Agriculture Annie Genevard a affirmé que le texte serait « de toute façon promulgué », jugeant « extrêmement périlleux » d’ouvrir une seconde délibération. À l’inverse, d’autres membres de la majorité, comme Gabriel Attal, ont demandé une saisine de l’ANSES, l’agence sanitaire nationale, pour réévaluer les risques de l’acétamipride. La ministre de la Transition écologique, Agnès Pannier-Runacher, a elle aussi soutenu cette demande, tandis que Laurent Duplomb, sénateur LR, a dénoncé une « instrumentalisation par l’extrême gauche et les écologistes » de la pétition. 

Et maintenant ?

Même si la pétition ne peut pas forcer le gouvernement à abroger la loi, elle a déjà modifié l’équilibre du débat public. Jamais un texte agricole n’avait suscité une telle mobilisation citoyenne. Elle pose aussi une question politique centrale : quelle est la valeur d’une loi perçue comme contraire à l’intérêt général, même si elle est légalement votée ? Pour ses opposants, cette loi incarne une dérive démocratique : absence de débat à l’Assemblée, pressions économiques, usage de procédures accélérées. Pour ses partisans, elle représente une nécessité agricole pragmatique, dictée par le terrain.

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