Plusieurs pays, dont la France, le Portugal et le Canada, envisagent de reconnaître officiellement l’État de Palestine… mais pas avant septembre. Pourquoi cette date ? Que se joue-t-il à ce moment-là ? Éclairage sur une stratégie diplomatique millimétrée.
Pourquoi maintenant, et surtout : pourquoi en septembre ? Depuis plusieurs semaines, une vague d’annonces émerge : le Royaume-Uni, la France, le Portugal, le Canada et Malte ont tous exprimé leur intention de reconnaître l’État de Palestine dans les mois à venir. Et tous évoquent une même échéance : la 80e Assemblée générale de l’ONU, prévue en septembre 2025 à New York.
Une reconnaissance conditionnelle, mais hautement symbolique
Il ne s’agit pas d’un hasard de calendrier, mais d’un choix diplomatique stratégique, à la fois collectif et politique. Sur le papier, cette reconnaissance est en partie symbolique — la Palestine est déjà reconnue par plus de 140 États dans le monde et bénéficie depuis 2012 d’un statut d’État observateur à l’ONU. Mais elle prend une tout autre dimension lorsqu’elle est portée simultanément par plusieurs puissances occidentales, et surtout, coordonnée pour résonner à l’ONU, là où les équilibres internationaux se jouent.
Le Premier ministre portugais Luís Montenegro l’a confirmé récemment : Lisbonne proposera officiellement cette reconnaissance à la rentrée, en accord avec les débats menés à l’ONU. Une posture similaire à celle du Canada et du Royaume-Uni, où le chef de la diplomatie britannique David Lammy a indiqué que cette reconnaissance devait « venir au moment où elle serait utile pour relancer une solution politique crédible ». Même tonalité côté français : Emmanuel Macron, après des mois de prudence, se serait dit « prêt à avancer » dans ce sens en septembre, à condition que la dynamique diplomatique soit collective et constructive.
Une échéance diplomatique… et une pression politique croissante
Mais pourquoi attendre septembre ? Plusieurs raisons se croisent. D’abord, l’Assemblée générale de l’ONU offre une scène mondiale, un effet de levier médiatique et diplomatique sans équivalent. Les pays qui veulent reconnaître la Palestine cherchent aussi à faire pression sur Israël et les États-Unis en affichant un front uni au sein des Nations Unies, là où Washington bloque systématiquement toute reconnaissance pleine et entière de la Palestine par un veto au Conseil de sécurité.Ensuite, ce délai permet à ces gouvernements de préparer le terrain diplomatique, tant à l’international que sur leur scène politique intérieure.
La reconnaissance d’un État palestinien ne va pas de soi dans des pays aux opinions publiques divisées ou dans un contexte où le Hamas, toujours présent à Gaza, reste considéré comme une organisation terroriste par l’Union européenne. Ce laps de temps offre donc l’occasion d’inscrire cette décision dans une logique de paix, conditionnée à un cessez-le-feu durable à Gaza, à une restructuration de l’Autorité palestinienne et à des garanties minimales de stabilité dans la région. En choisissant septembre, les États concernés veulent également éviter une reconnaissance purement symbolique ou isolée, comme l’ont fait récemment l’Espagne, l’Irlande, la Norvège et la Slovénie. Leur objectif est de donner du poids à leur geste, en l’inscrivant dans une dynamique plus large, appuyée par une résolution de l’ONU ou une initiative européenne coordonnée.
Enfin, certains dirigeants parient aussi sur une fenêtre d’opportunité politique. Si les violences à Gaza ralentissent, si des négociations entre Palestiniens reprennent, ou si Israël subit de nouvelles pressions diplomatiques, septembre pourrait être présenté comme un point d’inflexion historique, justifiant une reconnaissance qui soit perçue non comme un geste unilatéral, mais comme un catalyseur pour la relance du processus de paix.
Ce que cela changerait (ou pas)
La reconnaissance d’un État palestinien par ces puissances occidentales ne suffira pas à modifier le statut international de la Palestine, tant que les États-Unis opposent leur veto à son adhésion pleine à l’ONU. Mais ce geste envoie un signal fort : celui d’une mutation géopolitique dans laquelle la patience face au blocage du processus de paix s’effrite, et où le statu quo n’est plus tenable. Pour certains analystes, cette reconnaissance pourrait aussi rééquilibrer les rapports de force diplomatiques, en isolant davantage Israël sur la scène internationale et en offrant une légitimité accrue aux revendications palestiniennes dans les enceintes internationales.
Mais surtout, elle pourrait redonner un souffle à la solution à deux États, aujourd’hui à l’agonie. En donnant un cadre politique et juridique à la Palestine, ces États espèrent rouvrir l’espace des négociations, tout en reconnaissant le droit des Palestiniens à un État viable. Reste à savoir si ce coup d’accélérateur diplomatique aura les effets escomptés. En attendant, la date de septembre s’impose comme un moment de vérité, autant pour les capitales occidentales que pour les dirigeants israéliens et palestiniens. Car au-delà du symbole, c’est la crédibilité même de la diplomatie internationale face au conflit israélo-palestinien qui se jouera à la rentrée.