Le mouvement “Bloquons tout le 10 septembre” prend de l’ampleur à l’approche de la rentrée sociale. Né d’une colère contre la suppression de deux jours fériés annoncée par François Bayrou, il séduit largement. Mais l’arrivée des partis de gauche et des syndicats divise ses initiateurs, soucieux de préserver l’indépendance de leur mobilisation.
À l’origine du mot d’ordre « Bloquons tout le 10 septembre », on trouve quelques collectifs locaux et citoyens en colère. L’annonce de François Bayrou, qui a proposé la suppression de deux jours fériés afin de réaliser 44 milliards d’euros d’économies budgétaires, a mis le feu aux poudres. Dès le mois de mai, des affiches et des appels à bloquer la France entière circulent sur les réseaux sociaux.
Gilles, conducteur de travaux en Meurthe-et-Moselle et proche de la retraite, s’y est investi corps et âme : « J’ai déjà commencé à afficher partout où je peux. Mais il n’y a aucun logo politique ou syndical ! », martèle-t-il dans les colonnes de France Info. Pour ce militant de la première heure, l’absence d’étiquette est essentielle : « Ou vous manifestez avec nous et vous êtes blancs comme tout le peuple, ou vous dégagez. »
Le soutien affiché des partis de gauche
Face à l’ampleur prise par l’initiative, les principaux partis de gauche se sont positionnés. La France insoumise, le Parti socialiste, le Parti communiste et Europe Écologie-Les Verts ont tous, tour à tour, apporté leur soutien au mouvement. Un appui bienvenu pour lui donner une visibilité nationale, mais qui suscite de vives réticences dans les rangs des initiateurs. Julien Marissiaux, membre du collectif Les Essentiels et cofondateur du mouvement, l’assume auprès de nos confrères : « Que des partis politiques décident de participer, il n’y a pas de problème. Mais notre revendication phare, c’est la dissolution des partis et des syndicats. Pour nous, ce sont des structures qui divisent et qui ne représentent pas grand-chose. » Une position paradoxale : accepter la présence des formations politiques tout en militant pour leur disparition.
Côté syndical, la situation est tout aussi contrastée. La secrétaire générale de la CGT, Sophie Binet, a qualifié le mouvement de « nébuleux » et n’a pas encore pris de décision officielle. Mais sur le terrain, certains militants préparent activement la mobilisation. C’est le cas d’Alexandre Chantry, délégué CGT en Gironde et ancien organisateur des Gilets jaunes : « Dans une bataille, on ne prend pas seulement les archers. On prend l’infanterie, on prend tout le monde. » Pour lui, refuser les syndicats serait une erreur stratégique. Au-delà du nombre, ils apportent des relais médiatiques et une protection juridique. « Si on veut peser, il faut créer un rapport de force. À vouloir exclure, on finira isolés. »

Le spectre de la dispersion et de la récupération
Si le mouvement séduit, il inquiète aussi. Plusieurs sympathisants de la première heure craignent que la multiplication des revendications – suppression de la réforme budgétaire, dissolution des partis, lutte contre la vie chère – dilue le message initial. D’autres redoutent une récupération politique classique, qui ferait perdre à « Bloquons tout le 10 septembre » son caractère spontané et citoyen. Le risque est clair : une manifestation où se mélangent slogans syndicaux, drapeaux de partis et pancartes citoyennes, sans mot d’ordre clair ni cohérence dans les revendications.
En reprenant le flambeau d’une colère citoyenne proche de celle des Gilets jaunes, « Bloquons tout le 10 septembre » illustre le dilemme de nombreux mouvements populaires : comment garder son indépendance tout en s’appuyant sur les structures existantes pour gagner en force ? L’issue reste incertaine. Le 10 septembre pourrait marquer l’émergence d’un nouvel acteur social, ou au contraire, devenir une journée parmi d’autres dans un calendrier déjà saturé de mobilisations. Une chose est sûre : la rentrée politique s’annonce agitée, et ce rendez-vous pourrait bien en donner le ton.