Vingt ans après les faits, la justice reproche des manquements graves et un manque de moyens, et condamne l’État à indemniser le père de la fillette.
Le tribunal judiciaire de Paris a reconnu ce mercredi 3 septembre la responsabilité de l’État pour « faute lourde » dans l’enquête sur la disparition d’Estelle Mouzin, victime de Michel Fourniret.
Une enquête marquée par des dysfonctionnements
Le tribunal de Paris a estimé que les « manques de moyens humains » et les « dysfonctionnements » ayant entaché l’enquête sur la disparition d’Estelle Mouzin en 2003 constituent une faute lourde de l’État. La justice a également pointé du doigt la succession de dix magistrats instructeurs sur ce dossier, certains n’étant restés que quelques mois, ce qui a contribué à affaiblir la cohérence des investigations.
L’État a ainsi été condamné à verser 50 000 euros au titre du préjudice moral à Éric Mouzin, le père d’Estelle, alors qu’il réclamait une indemnisation beaucoup plus élevée (350 000 euros au total). Pour l’avocat de la famille, Me Didier Seban, cette décision envoie un signal fort : « Les mots du jugement sont durs et on peut espérer que les leçons seront tirées pour d’autres disparitions d’enfants », a-t-il déclaré.
Vingt ans d’errance judiciaire avant la vérité
Estelle Mouzin, 9 ans, avait disparu le 9 janvier 2003 alors qu’elle rentrait de l’école à Guermantes, en Seine-et-Marne. Dès les premiers mois de l’enquête, la piste de Michel Fourniret, déjà suspect dans d’autres affaires criminelles, avait été évoquée. Mais elle avait été rapidement abandonnée, faute d’éléments concordants. Ce n’est qu’en 2020, soit dix-sept ans plus tard, que la juge d’instruction Sabine Khéris, succédant à sept autres magistrats, avait réussi à obtenir des aveux de Michel Fourniret. Le tueur en série, déjà condamné à la réclusion criminelle à perpétuité pour sept meurtres commis entre 1987 et 2001, avait finalement reconnu son implication dans la mort d’Estelle Mouzin.
Le corps de la fillette n’a jamais été retrouvé. Michel Fourniret est décédé en mai 2021 à l’âge de 79 ans, avant d’avoir pu être jugé dans cette affaire. Dans ce dossier, l’ombre de Monique Olivier, l’ex-épouse de Michel Fourniret, reste centrale. En décembre 2023, elle a été condamnée à la réclusion criminelle à perpétuité, assortie d’une période de sûreté de 20 ans, pour complicité dans trois meurtres, dont celui d’Estelle Mouzin. Son procès a confirmé le rôle actif qu’elle avait joué dans les crimes de son mari, en l’aidant à piéger ses victimes.
Une reconnaissance qui dépasse le cas Mouzin
La condamnation de l’État français représente une forme de reconnaissance officielle des erreurs commises par la justice dans l’affaire Estelle Mouzin. Pour Éric Mouzin, qui se bat depuis deux décennies pour que la vérité soit faite, ce jugement est à la fois un soulagement et un rappel douloureux des lenteurs judiciaires. Cette décision pourrait aussi faire jurisprudence : d’autres familles confrontées à des disparitions d’enfants pourraient invoquer cette reconnaissance de la « faute lourde » pour dénoncer les carences de l’État dans leurs propres dossiers.