La commission d’enquête parlementaire sur TikTok alerte sur les effets psychologiques du réseau chez les jeunes. Ses conclusions, rendues publiques jeudi 11 septembre, formulent 43 recommandations, dont l’interdiction des réseaux sociaux pour les moins de 15 ans et un “couvre-feu numérique” pour les 15-18 ans.
Après six mois d’auditions et 95 heures de travaux, les députés Arthur Delaporte (PS) et Laure Miller (EPR) livrent un constat implacable. TikTok, propriété du groupe chinois ByteDance, est décrit comme « un réseau hors de contrôle » dont le modèle algorithmique favorise les contenus « les plus trash », conçus pour capter l’attention à tout prix. Loin de protéger ses utilisateurs, la plateforme serait « un océan de trash » où prolifèrent des vidéos nocives, attirant en particulier le jeune public.
Selon la neurologue Servane Mouton, auditionnée par la commission, la motivation première de TikTok « n’est pas le bien-être de ses utilisateurs », mais la maximisation du profit. La commission dénonce une entreprise dans le déni, incapable de répondre clairement aux questions posées lors des auditions parlementaires. Les échanges avec certains influenceurs, jugés « cyniques » et « dangereux », ont également révélé le manque de responsabilité d’une partie de l’écosystème numérique.
Des mesures radicales pour protéger les mineurs
Face à ce constat alarmant, les députés formulent 43 recommandations. La plus symbolique : interdire l’accès aux réseaux sociaux (hors messageries) pour les moins de 15 ans. Pour les adolescents de 15 à 18 ans, ils préconisent un couvre-feu numérique national, de 22 heures à 8 heures, visant à limiter l’hyperconnexion nocturne. Le rapport propose aussi de responsabiliser les parents à travers la création d’un « délit de négligence numérique ». Concrètement, des formations sur l’usage des écrans seraient intégrées dans le carnet de santé des enfants, et les parents jugés « irresponsables » pourraient être sanctionnés.
Le monde scolaire n’est pas épargné : la commission recommande de généraliser le dispositif « portable en pause » dans les collèges, d’interdire le téléphone dans les lycées et d’initier une « décroissance digitale » au sein de l’Éducation nationale. L’idée est de réduire la place des écrans dans les établissements et de sensibiliser massivement les élèves aux risques liés aux réseaux sociaux.
TikTok contre-attaque et le flou juridique demeure
La plateforme a réagi dès la publication du rapport en contestant vigoureusement ses conclusions. « Nous sommes en désaccord », a déclaré son porte-parole, jugeant que les critiques « pointent à tort TikTok sur des enjeux qui concernent tout le secteur ». L’entreprise rappelle avoir mis en place plus de 50 fonctionnalités de protection pour les mineurs, dont une limite d’usage fixée par défaut à 60 minutes pour les moins de 18 ans, la désactivation de la messagerie pour les moins de 16 ans et une coopération accrue avec les autorités européennes.
En France, une loi sur la majorité numérique votée en 2023 fixe déjà à 15 ans l’âge minimum d’accès aux réseaux sociaux, avec une autorisation parentale obligatoire en dessous de ce seuil. Mais faute de clarté juridique vis-à-vis du droit européen, elle n’a jamais été appliquée. Les députés espèrent que leurs recommandations permettront cette fois une traduction rapide en actes politiques.