Le 14 septembre 2025 marque un tournant symbolique dans la crise politique française. Sébastien Lecornu, fraîchement nommé Premier ministre après la chute du gouvernement de François Bayrou, a annoncé qu’il renonçait à la suppression de deux jours fériés, mesure vivement critiquée pendant la campagne budgétaire.
Cette décision, jugée comme une dite “première bonne nouvelle” par les syndicats, apparaît comme un geste politique attentif mais encore insuffisant pour apaiser le climat social. En toile de fond : un déficit public élevé, une note de crédit dégradée, une majorité parlementaire fragile, et des attentes fortes de la rue pour que le pouvoir d’achat et les retraites soient mieux défendus.
L’annonce de Lecornu intervient dans un contexte tendu : le mouvement social « Bloquons Tout » a appelé à la mobilisation, des syndicats attendent des réponses claires, l’opposition politique multiplie les critiques. Le Premier ministre, tout en assurant vouloir dialoguer avec les forces sociales et politiques, est sous pression. Peut-être que ce retrait des jours fériés sera vu comme un signal de bonne volonté pour engager un nouveau pacte social — encore faut-il que d’autres mesures suivent, et que la cohésion autour du budget 2026 se construit autrement que dans la controverse.
L’abandon des deux jours fériés — un geste de renoncement ou de pragmatisme stratégique ?
L’idée de supprimer deux jours fériés (le 8 mai et le lundi de Pâques) était l’une des mesures les plus impopulaires du projet budgétaire de François Bayrou. Elle symbolisait le degré de fermeté que le gouvernement précédent entendait imposer dans le cadre de sa politique d’économies drastiques. Mais ce type de mesure, quant aux effets symboliques, a souvent un coût politique très élevé : il touche directement au vécu des citoyens, à leur temps libre, à ce qui fonde une part du lien social.
Quand Lecornu décide de renoncer à cette suppression, il ne fait pas seulement marche arrière sur une idée : il réalise une opération de réalignement. Il reconnaît que la mesure était devenue politiquement intenable, un levier de rejet plus qu’un amortisseur de déficit. Ce retrait se place aussi comme une façon de marquer la rupture avec la méthode Bayrou, et de tenter de stabiliser le récit politique autour du nouveau gouvernement. Dans son premier discours — et dans ses entretiens aux médias — le Premier ministre a insisté sur la nécessité d’équilibre : ne plus imposer des décisions perçues comme arbitraires, mais construire une gouvernance où le dialogue avec les syndicats, le Parlement, et les organisations patronales devient central.
Cependant, ce geste comporte ses limites. L’effort budgétaire non réalisé par ce renoncement doit être compensé ailleurs, ce qui signifie que d’autres économies ou recettes devront être trouvées. Le retrait de cette mesure très visible ne résout pas les défis majeurs : dette publique élevée, risque de note de crédit encore plus précaire, efficacité des dépenses publiques, et la tension entre contraintes financières et exigences sociales. Le pragmatisme politique exigera de Lecornu de transformer ce recul (visible et populaire) en un relais politique crédible pour les réformes à venir.
Réactions sociales et politiques — entre applaudissements prudents et menaces d’escalade
Du côté des syndicats, de la gauche, et des Français, la nouvelle a été accueillie avec un mélange de satisfaction mesurée et de prudence. CGT et CFDT ont salué ce retrait comme une première victoire, “première bonne nouvelle” dans un climat qui jusqu’à présent semblait dominé par la crispation. Cependant, elles estiment que cela ne suffit pas. Les revendications autour du pouvoir d’achat, des retraites, des services publics, restent massives, et bien des collectivités ou professionnels s’interrogent sur la suite.
Karim Bouamrane (PS) a exprimé que pour éviter une motion de censure, ce ne sont pas uniquement les jours fériés, mais les retraites et le pouvoir d’achat qui doivent être mis au cœur des décisions du gouvernement. Le contexte reste instable : l’opposition pousse, la gauche réclame une “offre fédérative”, les syndicats préparent une journée intersyndicale de manifestations et grèves pour le 18 septembre. Le retrait des jours fériés est un bon début, mais il y a une forte attente de mesures plus structurelles.
Dans l’ombre de tout cela, la dégradation de la note de crédit de la France (passée de AA- à A+ selon Fitch) met une pression financière importante. Les marchés surveillent, les financements sont plus coûteux, et le gouvernement Lecornu doit trouver un équilibre entre concessions sociales et solidité budgétaire. Chaque annonce sera scrutée non seulement à l’intérieur des cercles politiques mais aussi dans les cours de la finance, car un gouvernement perçu comme trop laxiste risquerait de payer un prix élevé en taux d’intérêt ou en confiance des investisseurs.
L’annonce faite par Sébastien Lecornu marque un moment de respiration dans la tempête politique française. Renoncer à la suppression de deux jours fériés, c’était offrir une concession visible à la population, donner un signe de flexibilité — et surtout éviter un autre front de rejet dans une période déjà très tendue. C’est un signe que la nouvelle administration entend corriger les excès perçus de son prédécesseur, et rétablir un lien fragile avec les Français.
Mais ce compromis, aussi salué soit-il, ne suffit pas à lui seul à restaurer la confiance. Il faudra des mesures plus profondes : action sur le pouvoir d’achat, politique de retraites crédible, réorganisation des finances publiques, et surtout une méthode de gouvernance fondée sur l’écoute, la transparence et la responsabilité. Lecornu est désormais sous les projecteurs, non plus seulement pour ses annonces, mais pour sa capacité à réformer sans fracturer, à gouverner sans imposer, à stabiliser sans démobiliser.
Le 14 septembre pourrait rester dans les mémoires comme le jour où le gouvernement a commencé à reculer devant l’opposition populaire — mais aussi comme celui où il a pris conscience que dans la crise, les symboles peuvent peser autant que les chiffres. L’avenir dépendra maintenant de ce qui sera fait derrière les mots : si ce recul est le prélude d’un changement de méthode, ou s’il restera un geste isolé. La vraie question est de savoir si cette nouvelle phase de la gouvernance française sera celle d’une stabilité retrouvée — ou d’un conflit larvé, prêt à resurgir.