Emmanuel Macron doit annoncer, lundi 22 septembre, la reconnaissance officielle de l’État de Palestine lors du sommet de l’Assemblée générale de l’ONU à New York. Une décision « irréversible » selon l’Élysée, qui marque un tournant diplomatique majeur mais plonge les relations franco-israéliennes dans une zone de forte turbulence.
À la tribune des Nations unies, Emmanuel Macron prononcera une phrase que Paris prépare depuis plusieurs mois : « Au nom de la France, je reconnais l’État de Palestine. »
Un geste que l’Élysée décrit comme « tangible et irréversible », fruit d’une accélération diplomatique face à « l’urgence absolue à Gaza » et à la fragilité d’un Proche-Orient au bord de l’embrasement. Aux côtés de l’Arabie saoudite, la France co-présidera ce sommet historique, destiné à relancer la solution à deux États – un processus qui semblait depuis longtemps enterré par l’intensification des combats et l’impasse politique.
Déjà, 142 pays ont approuvé la « déclaration de New York », texte préparé par Paris et Ryad, qui appelle à la reconnaissance d’un État palestinien, exclut sans ambiguïté le Hamas du futur gouvernement et exige la libération immédiate des otages. Plusieurs alliés de la France, comme le Canada, le Japon ou le Portugal, ont annoncé leur volonté de franchir le pas eux aussi.
Une reconnaissance sous conditions
L’initiative française n’est pas un chèque en blanc. Emmanuel Macron l’a conditionnée à des engagements précis de l’Autorité palestinienne dirigée par Mahmoud Abbas :
- le désarmement complet du Hamas ;
- une condamnation sans équivoque de l’attaque du 7 octobre 2023 ;
- une réforme des programmes scolaires palestiniens ;
- la fin du système de glorification des prisonniers ;
- l’organisation d’élections législatives et présidentielles dans un délai d’un an.
Ces engagements visent à crédibiliser l’Autorité palestinienne sur la scène internationale et à couper court aux critiques israéliennes accusant la France de soutenir indirectement des organisations terroristes.
Israël campe sur ses positions
Pour Benjamin Netanyahu, la reconnaissance de la Palestine n’a aucune légitimité. À une semaine du sommet de l’ONU, le Premier ministre israélien déclarait sans détour : « Nous allons tenir notre promesse : il n’y aura pas d’État palestinien, cet endroit nous appartient. »
Sur le terrain, la politique israélienne va dans ce sens. L’approbation, en août dernier, du projet « E1 » de construction de 3 400 logements en Cisjordanie a provoqué une onde de choc : cette extension couperait la Cisjordanie en deux, compromettant la continuité territoriale d’un futur État palestinien.
Parallèlement, Gaza reste sous un blocus meurtrier, avec des bombardements quotidiens qui alimentent une catastrophe humanitaire.
Cette fuite en avant militaire s’accompagne d’une stratégie régionale offensive. Israël a intensifié ses frappes au Liban, en Iran et même au Qatar, pourtant médiateur clé des négociations. Une manière de signifier que, malgré les pressions diplomatiques, Tel-Aviv entend conserver une supériorité militaire totale.
Washington, allié indéfectible d’Israël
La France et ses alliés européens se heurtent à une opposition ferme : celle des États-Unis. Lors de sa visite à Jérusalem, le secrétaire d’État Marco Rubio a jugé l’initiative française « symbolique » et contre-productive : « Le seul effet qu’elle produit réellement, c’est de rendre le Hamas plus enhardi. » Washington ne s’est pas contenté de critiquer verbalement. Les autorités américaines ont refusé d’accorder un visa à Mahmoud Abbas, empêchant le président palestinien de se rendre à New York. Il devra intervenir par un message enregistré, une décision dénoncée par Paris comme une violation du droit international et un affront aux institutions multilatérales.
Dans le même temps, la presse américaine a révélé un plan post-guerre étudié par l’administration Trump pour Gaza : le déplacement « volontaire » de toute la population palestinienne, suivi d’une administration américaine de dix ans pour transformer la bande de Gaza en centre touristique et technologique. Une vision qui rappelle la « Riviera du Moyen-Orient » jadis promise par Donald Trump et qui suscite déjà un tollé international.
Un tournant historique mais fragile
La reconnaissance de l’État palestinien par la France ouvre une brèche diplomatique, mais elle ne garantit en rien la concrétisation d’une paix durable. Sur le terrain, la colonisation avance, les bombardements se poursuivent et la perspective d’un État viable s’éloigne chaque jour. À New York, la France espère rallier un maximum de soutiens et replacer la solution à deux États au centre du jeu international. Mais face à l’inflexibilité israélienne et au soutien indéfectible de Washington, Paris se retrouve isolé dans un bras de fer diplomatique qui pourrait redéfinir l’équilibre des forces au Proche-Orient.
Un geste historique, donc, mais dont l’avenir dépendra de la capacité de la communauté internationale à transformer les mots en actes.