Dans un climat politique de plus en plus instable, Édouard Philippe a invité mardi 7 octobre Emmanuel Macron à envisager une « élection présidentielle anticipée ».
L’ancien Premier ministre, aujourd’hui à la tête du parti Horizons, appelle le chef de l’État à « garantir la continuité des institutions », sans pour autant plaider pour une démission brutale.
Une sortie de crise « ordonnée »
Invité de RTL, Édouard Philippe a estimé que le président de la République pourrait nommer un gouvernement chargé de préparer et faire adopter le budget, avant d’organiser une élection présidentielle anticipée. « C’est-à-dire qu’il part immédiatement après que le budget a été adopté », a-t-il résumé. Mais il a tenu à préciser qu’il ne s’agissait ni d’une contrainte ni d’un appel à la démission : « On ne contraint pas le président de la République à partir », a-t-il insisté.
« Je ne suis pas pour sa démission immédiate et brutale. Elle aurait un impact terrible. Mais je crois qu’il doit prendre une initiative. » L’ancien Premier ministre juge qu’Emmanuel Macron pourrait « s’honorer » d’une telle démarche, en organisant son départ de façon maîtrisée : « Le président de la République a cette responsabilité immense d’être le chef de l’État. Face à cet affaissement et à cette mise en cause terrible de l’autorité de l’État, Emmanuel Macron doit garantir la continuité des institutions en partant de manière ordonnée. »
« Un jeu politique affligeant »
Édouard Philippe, qui fut le premier chef de gouvernement du quinquennat Macron (2017–2020), dit ne pas être motivé par une opposition personnelle : « Ce n’est pas une critique de l’homme. Il y a des gens qui détestent Macron et qui ont envie qu’il s’en aille. Moi, je ne le déteste pas, j’ai travaillé avec lui. Mais c’est la fonction qui est en cause. »Pour lui, la situation politique actuelle, marquée par l’incapacité du gouvernement à construire une majorité stable, ne peut se prolonger : « On ne va pas faire durer ce que nous vivons depuis six mois pendant dix-huit mois encore, c’est beaucoup trop long », a-t-il ajouté, dénonçant « un jeu politique affligeant ».
Pendant que l’ancien Premier ministre s’exprimait, le gouvernement tentait d’éviter la crise. Sébastien Lecornu a entamé mardi matin de nouvelles discussions avec les chefs de partis à Matignon, à la demande du président, pour trouver une “plateforme d’action et de stabilité” autour du budget. Étaient également présents Yaël Braun-Pivet et Gérard Larcher, présidents des deux chambres du Parlement. Du côté de la majorité, Gabriel Attal, secrétaire général de Renaissance, a reconnu sur France Inter que la méthode présidentielle devait évoluer : « Puisque la méthode utilisée depuis un an n’a pas fonctionné, puisque trois Premiers ministres ont dû quitter le gouvernement depuis un an, changeons de méthode », a-t-il déclaré. Selon lui, le problème ne réside plus « dans le rapport au président », mais dans la relation avec les autres partis politiques.
La droite ouverte à un compromis
Le président des Républicains, Bruno Retailleau, s’est dit de son côté ouvert à des discussions, à condition qu’elles débouchent sur une « véritable cohabitation ». « Je participerai à des négociations s’il y a un gouvernement de cohabitation », a-t-il affirmé mardi matin sur CNews. Une position qui témoigne d’une certaine disponibilité de la droite à participer à un gouvernement d’unité nationale — hypothèse désormais régulièrement évoquée dans les cercles politiques. Dans ce contexte de tensions, le Medef a également exprimé son inquiétude. Son président, Patrick Martin, a estimé sur franceinfo que la démission surprise de Sébastien Lecornu avait « surajouté une inquiétude qui existait déjà ». « Le décrochage est enclenché », a-t-il déclaré, redoutant « l’étouffement progressif du pays ».
Les déclarations d’Édouard Philippe illustrent le malaise d’un exécutif fragilisé, où se mêlent blocage parlementaire, usure politique et perte d’autorité présidentielle.
Sans jamais employer le mot de « démission », l’ancien Premier ministre dessine en creux un scénario de transition maîtrisée, dans lequel Emmanuel Macron provoquerait lui-même une présidentielle anticipée, avant 2027, pour éviter un enlisement. « La sortie de crise, c’est sur lui qu’elle repose », a-t-il résumé. Un appel à la responsabilité, plus qu’une rupture, mais qui souligne à quel point la fin du second quinquennat s’annonce, déjà, sous haute tension.