Depuis plus de trente ans, Octobre Rose mobilise la France autour de la lutte contre le cancer du sein. Campagnes de sensibilisation, collectes de fonds, événements solidaires : le mois d’octobre s’habille de rose. Pourtant, derrière la visibilité de cette cause, les chiffres du dépistage stagnent, les inégalités territoriales demeurent et les traitements, bien que de plus en plus performants, ne profitent pas à toutes de la même manière.

Le cancer du sein reste en 2025 le cancer le plus diagnostiqué chez les femmes en France. D’après Santé publique France, plus de 61 000 nouveaux cas sont détectés chaque année et près de 12 800 décès ont été enregistrés en 2024. L’incidence augmente depuis plusieurs décennies, notamment en raison du vieillissement de la population et de l’amélioration du dépistage. En revanche, la mortalité tend à diminuer : les cancers sont mieux identifiés, mieux soignés et les traitements moins invasifs qu’il y a vingt ans.

Le dépistage stagne à moins d’une femme sur deux

Malgré l’importance accordée à la prévention, seules 48 % des femmes âgées de 50 à 74 ans ont participé au programme national de dépistage organisé entre 2023 et 2024. Ce dispositif gratuit, remboursé à 100 %, propose une mammographie tous les deux ans accompagnée d’une seconde lecture en cas de doute. Ce taux de participation reste insuffisant : l’objectif européen est de 65 %.  Certaines régions, comme la Bretagne ou la Haute-Savoie, approchent ce seuil, mais d’autres territoires — la Seine-Saint-Denis, la Corse ou les départements d’outre-mer — affichent des taux inférieurs à 35 %. Les raisons sont multiples : méconnaissance du programme, manque de structures à proximité, peur du diagnostic, délais d’attente dans certains territoires ou encore désengagement depuis la crise du Covid-19. 

À cela s’ajoutent des disparités sociales : les femmes les plus précaires ou les moins suivies médicalement sont aussi celles qui se dépistent le moins. Les experts rappellent que le dépistage précoce sauve des vies : détecté à un stade initial, le cancer du sein se guérit dans près de 9 cas sur 10. Le diagnostic tardif, en revanche, complique les traitements et augmente le risque de récidive. Des initiatives locales se multiplient pour réduire les écarts : unités mobiles de mammographie dans les zones rurales, campagnes d’information ciblées, messages de rappel personnalisés. Ces actions permettent de toucher des femmes éloignées du système de soins, mais leur portée reste limitée sans renforcement structurel du réseau médical.

Des traitements en constante évolution

La prise en charge du cancer du sein s’est profondément transformée en deux décennies.
Les progrès de la chirurgie conservatrice, des thérapies ciblées et de l’immunothérapie ont amélioré la survie et la qualité de vie des patientes.

Aujourd’hui :

  • Dans environ 70 % des cas, une chirurgie partielle suffit, évitant une ablation totale du sein.
  • Les traitements médicamenteux sont mieux ajustés au profil de la tumeur grâce aux tests génétiques et hormonaux.
  • Les thérapies ciblées (comme les inhibiteurs de CDK 4/6 ou les anticorps monoclonaux) bloquent la croissance tumorale tout en limitant les effets secondaires.
  • Les reconstructions mammaires immédiates sont plus fréquentes, permettant de réduire le traumatisme post-opératoire.

Le taux de survie nette à cinq ans atteint désormais près de 88 %, un niveau parmi les plus élevés d’Europe.

L’après-cancer, un enjeu encore sous-estimé

Si les progrès thérapeutiques sont indéniables, le suivi post-cancer reste un maillon faible. Fatigue chronique, douleurs, anxiété, perturbations hormonales ou difficultés à reprendre le travail : beaucoup de femmes décrivent un “après” difficile, souvent sans accompagnement adapté. Selon l’Institut national du cancer (INCa), près d’une femme sur deux rapporte des troubles psychologiques persistants après les traitements, et une sur trois rencontre des obstacles professionnels. Les associations plaident pour une meilleure reconnaissance du statut de “survivante du cancer” et pour un renforcement du suivi psychologique et social. Octobre Rose a contribué à faire du cancer du sein un sujet de santé publique majeur. 

Chaque année, des milliers d’événements locaux, marches, ventes solidaires ou campagnes sur les réseaux sociaux permettent de lever des fonds pour la recherche. Mais cette hyper-visibilité ne suffit pas à combler les fractures d’accès aux soins. Derrière l’unité symbolique du ruban rose, la réalité du terrain reste contrastée : certaines patientes bénéficient d’une médecine de pointe, d’autres se heurtent encore à des délais, à la distance géographique ou à des difficultés financières. Les professionnels de santé soulignent aussi le besoin d’une politique nationale plus lisible, articulant prévention, dépistage, accompagnement psychologique et soutien à la recherche.

2025 : un tournant à consolider

La France figure parmi les pays européens où la survie après un cancer du sein est la plus élevée, mais aussi parmi ceux où les inégalités d’accès sont les plus marquées.
Les autorités sanitaires promettent une relance du dépistage d’ici fin 2025, avec davantage d’équipes mobiles et une communication mieux ciblée.

L’objectif reste le même : atteindre 65 % de participation au dépistage et maintenir le taux de mortalité en baisse. Octobre Rose rappelle que, malgré les avancées médicales, la victoire contre le cancer du sein dépend encore d’un facteur clé : l’égalité d’accès à la prévention et au soin, partout sur le territoire.

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