C’est une image inédite sous la Ve République : Nicolas Sarkozy a été écroué mardi 21 octobre à la prison de la Santé, à Paris. Condamné à cinq ans de prison, dont deux ferme, dans l’affaire des financements libyens, l’ancien chef de l’État a entamé sa détention en fin de matinée dans un quartier réservé aux personnalités sensibles.
Son avocat et ami, Me Jean-Michel Darrois, s’est exprimé dans la soirée à BFMTV, visiblement ému : « Ça m’a stupéfait, bouleversé. Mais je sais qu’il va tenir le coup et qu’il ressortira combatif. » Selon le conseil, Nicolas Sarkozy a tenté de s’adapter à sa nouvelle vie derrière les murs. « Il a fait du sport aujourd’hui, a commencé à écrire son livre, et a eu un parloir avec Carla Bruni. S’il se fait du souci pour quelque chose, c’est pour sa famille », précise Me Darrois.
L’ancien président, âgé de 70 ans, est incarcéré dans une cellule d’environ 9 mètres carrés, équipée d’un lit, d’un bureau et d’une douche. « Il y a du bruit tout le temps, les prisonniers hurlent, tapent sur les murs. Ce n’est pas le Club Méditerranée », a soufflé son avocat, qui décrit un environnement « éprouvant, mais qu’il affronte avec dignité ». La direction de la prison de la Santé n’a pas communiqué sur les conditions précises de détention de l’ancien chef de l’État, mais plusieurs sources pénitentiaires confirment que la sécurité a été renforcée autour de son quartier.
Une demande de remise en liberté déposée
À peine incarcéré, le clan Sarkozy a enclenché les démarches judiciaires.
Une demande de remise en liberté a été déposée dès le début de la détention. « Nous espérons une audience dans le mois, mais cela dépendra de l’encombrement de la cour d’appel », a expliqué Me Darrois. L’ancien président, qui a fait appel de sa condamnation prononcée le 25 septembre dernier, reste présumé innocent jusqu’à la décision définitive de la justice. Cette étape procédurale ouvre donc une période d’incertitude : Nicolas Sarkozy pourrait, dans les semaines à venir, être libéré sous contrôle judiciaire ou placé en assignation à résidence sous bracelet électronique.
L’incarcération d’un ancien chef de l’État a suscité une vague de réactions politiques et médiatiques. Parmi les plus marquantes : celle de l’ancien garde des Sceaux Éric Dupond-Moretti, qui s’est exprimé dans les colonnes du groupe Centre France. « Ce n’est pas une image dont on rêve pour notre pays. Personne ne peut s’en réjouir, qu’on aime Nicolas Sarkozy ou qu’on le déteste », a-t-il d’abord concédé. Mais l’ex-ministre de la Justice, ancien avocat, s’en est pris avec virulence à la stratégie de défense de l’ancien président, qu’il juge « indécente » et « dangereuse pour l’État de droit ». « Ce qui me chagrine, c’est la présentation faite du jugement : on voudrait faire croire qu’il résulte de la haine d’une magistrate. C’est insupportable, car cela discrédite toute la justice. »

« Une injure à l’État de droit »
Éric Dupond-Moretti va plus loin, dénonçant une attaque frontale contre les institutions : « C’est une injure à l’État de droit. Ce n’est pas un concept abstrait : c’est ce qui nous protège de l’arbitraire. » S’il rappelle que Nicolas Sarkozy a fait appel et reste présumé innocent, il lui reproche de vouloir transformer sa condamnation en affrontement politique : « Qu’un ancien président, qui a été garant de l’indépendance de la justice, puisse dire que son incarcération est due à la haine d’un juge, ce n’est pas possible. » Ces mots tranchent avec le ton mesuré de la majorité des responsables politiques, souvent prudents face à un dossier explosif mêlant justice, pouvoir et symbolique présidentielle.
L’incarcération de Nicolas Sarkozy ne met pas fin à ses démêlés judiciaires.
Le 26 novembre prochain, la Cour de cassation doit examiner son recours dans l’affaire Bygmalion, liée au financement illégal de sa campagne présidentielle de 2012.
Deux scénarios se dessinent : soit la condamnation à un an de prison, dont six mois ferme, devient définitive ; soit le procès devra être rejugé. En attendant, l’ancien chef de l’État tente de s’habituer à un quotidien radicalement différent. « Il écrit, il réfléchit, il observe. C’est un homme qui s’adapte, même dans la pire des situations », glisse un proche. Mais dans les couloirs du palais de justice comme dans les cercles politiques, une même phrase revient : l’image d’un ancien président à la Santé restera comme une blessure dans l’histoire de la République.