Cest une scène inédite sous la Ve République. Jeudi 30 octobre, lAssemblée nationale a adopté, par 185 voix contre 184, une proposition de résolution portée par le Rassemblement national (RN) visant à « dénoncer » laccord franco-algérien de 1968. Ce texte, sans portée contraignante, constitue le premier texte issu du RN à être approuvé par les députés. « Cest une journée quon peut qualifier dhistorique », a réagi Marine Le Pen, se félicitant dun vote « au service de lintérêt national », en dépit de lopposition du gouvernement et de la gauche.

Un vote symbolique mais explosif

Signé six ans après la fin de la guerre dAlgérie, laccord franco-algérien du 27 décembre 1968 régit le statut des ressortissants algériens en France. Il leur accorde des facilités de circulation, dimmigration et de séjour, notamment la délivrance dun titre de résidence de dix ans par une procédure simplifiée. Pour le RN, cet accord est devenu « obsolète » et « inégalitaire » par rapport aux autres ressortissants étrangers.

« Cet accord crée une préférence migratoire inacceptable », a estimé le député RN Jean-Philippe Tanguy, en défendant le texte dans lhémicycle. Le RN a pu compter sur le soutien de 26 députés de la Droite républicaine (LR) et de 17 membres du parti Horizons, fondé par Édouard Philippe, qui sest lui-même prononcé ces dernières années contre cet accord. « Quand le RN porte des convictions que nous partageons, il ny a aucune raison de ne pas voter ce que nous voulons pour notre pays », a justifié Laurent Wauquiez, chef des députés de la Droite républicaine.

Une majorité divisée et absente

Du côté de la majorité présidentielle, la faible mobilisation a fait basculer le scrutin.
Sur 92 députés du groupe Ensemble pour la République, seuls 30 ont voté contre et 3 se sont abstenus. Sept députés présents nont pas pris part au vote, et Gabriel Attal lui-même était absent. « Ils étaient où les macronistes ? Gabriel Attal absent ! À une voix près, Horizons, LR et lextrême droite votent ensemble la fin de laccord de 1968 », a dénoncé sur X le patron des socialistes, Olivier Faure. La cheffe des députés écologistes, Cyrielle Chatelain, a renchéri : « Cette voix qui nous a manqué pour faire face au Rassemblement national, cest celle de Gabriel Attal. » De son côté, le gouvernement a tenté de désamorcer la polémique. Selon Matignon, le Premier ministre participait à un forum international prévu de longue date et « ne pouvait pas annuler sa présence ».

Le ministre des Relations avec le Parlement, Laurent Panifous, a fait part de son « incompréhension » après le vote. « Le gouvernement privilégie la voie de la renégociation dans le cadre dun dialogue exigeant avec Alger », a-t-il expliqué, soulignant quil ny aurait « rien à gagner à une aggravation de la crise » entre les deux pays. Ce vote, essentiellement symbolique, intervient alors que les relations franco-algériennes restent fragiles, marquées par des tensions récurrentes autour des questions migratoires et mémorielles.

©capture écran BFMTV

La gauche dénonce « un texte raciste »

La gauche a unanimement condamné ce quelle considère comme une « normalisation du RN ». « Un texte raciste voté grâce à labsence des macronistes », a réagi Mathilde Panot (LFI). Jean-Luc Mélenchon a dénoncé « les lubies racistes » dun parti qui « rejoue à linfini la guerre dAlgérie ». Même ton du côté des écologistes et des communistes, qui accusent la droite de « légitimer lextrême droite » par opportunisme politique.

Ce succès politique du RN contraste avec un revers subi quelques heures plus tard, lorsque les députés ont rejeté sa proposition de loi rétablissant le délit de séjour” pour les étrangers en situation irrégulière. Larticle principal a été supprimé par une coalition de la gauche, de Renaissance et du MoDem, avant que le RN ne retire son texte devenu vide. « Ce texte napportera rien en termes de pouvoir coercitif », a estimé le ministre de lIntérieur Laurent Nuñez. Marine Le Pen lui a répondu : « Si on demandait aux forces de lordre, 90 % seraient daccord avec nous. »

Pour le RN, ce vote marque un tournant historique et stratégique : pour la première fois, un texte du parti est adopté, rompant avec des décennies disolement parlementaire. Mais il révèle aussi les fractures internes de la droite et la fragilité de la majorité présidentielle, à quelques mois dun climat politique tendu par les débats sur limmigration. « Ce vote est un signal fort envoyé au gouvernement », estime un député Horizons. « La droite traditionnelle et lextrême droite ne sont plus aussi étanches quavant. »

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