Après la découverte d’objets à caractère pédopornographique sur le site de Shein, Sarah El-Haïry dénonce une “complicité” des plateformes et promet d’identifier fournisseurs et acheteurs.
C’est une affaire qui choque jusqu’aux plus hauts sommets de l’État. Dimanche 2 novembre, la haut-commissaire à l’Enfance Sarah El-Haïry a annoncé son intention de convoquer “l’ensemble des grandes plateformes” de vente en ligne, après la découverte de poupées sexuelles d’apparence enfantine proposées à la vente sur le site de Shein. Le géant chinois de la mode a assuré avoir retiré ces objets de son catalogue, mais pour la haut-commissaire, ce retrait est loin d’être suffisant. « Je veux comprendre qui a autorisé la vente de ces objets, quels sont les processus mis en place pour que cela ne se reproduise pas, et qui sont les fournisseurs, car il y a bien des gens qui produisent ces poupées absolument ignobles », a-t-elle déclaré sur RTL.
“Une plateforme complice”
La justice française a été saisie après la commercialisation de ces produits, que Sarah El-Haïry qualifie de “pédocriminels”. « Ce ne sont pas des objets pornographiques, ce sont des objets pédocriminels », a-t-elle martelé. « Il est inacceptable de laisser des marketplaces commercialiser ce type d’objets. Une plateforme qui accepte de les vendre est, d’une certaine manière, complice. » La haut-commissaire demande désormais à Shein de fournir les fichiers des acheteurs français de ces produits, afin de permettre leur identification par les autorités. « Les gens qui ont acheté ces poupées ont utilisé leur carte de crédit, ils se sont fait livrer à leur domicile ou à leur bureau », a-t-elle souligné, insistant sur le fait que la détention d’objets à caractère pédo criminel est un délit pénal.
Le scandale a éclaté après plusieurs signalements d’internautes alertant sur la présence, sur le site Shein, de poupées sexuelles à l’apparence juvénile, parfois même décrites dans les commentaires comme “réalistes”. Face à la vague d’indignation, la plateforme a retiré les produits incriminés et déclaré “coopérer pleinement avec les autorités françaises”, sans pour autant révéler l’identité des fournisseurs à l’origine de leur fabrication. Pour Sarah El-Haïry, le problème dépasse Shein.« Au-delà de cette plateforme, d’autres usent d’entourloupes pour éviter les poursuites, en ne mettant pas de descriptions précises dans les annonces », explique-t-elle. « Ils publient la photo, mais retirent les mots-clés comme “poupée sexuelle” pour nous faire perdre du temps. Ces manœuvres mettent directement les enfants en danger. »
Vers une réunion d’urgence avec les plateformes
La haut-commissaire prévoit une réunion conjointe avec le ministre du Commerce, Serge Papin, pour réunir « toutes les plateformes de e-commerce qui opèrent en France » : Amazon, Vinted, AliExpress, eBay, et bien sûr Shein. Objectif : exiger des garanties claires sur les contrôles des produits mis en vente et sur la traçabilité des fournisseurs. « Ces plateformes ne peuvent pas se dédouaner en invoquant l’automatisation ou la multiplicité des vendeurs. Elles ont une responsabilité morale et juridique », a rappelé Mme El-Haïry.
Cette affaire intervient dans un contexte particulièrement tendu pour Shein en France.
Le groupe, souvent accusé de travail forcé, de greenwashing et de dumping économique, prévoit d’ouvrir une boutique éphémère à Paris, au BHV Marais, dans les prochaines semaines. Une initiative qui provoque déjà l’indignation d’associations de protection de l’enfance et d’élus écologistes, pour qui la marque “n’a pas sa place dans un grand magasin emblématique du centre de Paris”. « Voir Shein ouvrir un pop-up au BHV, quelques jours après la découverte de ces produits pédocriminels, c’est une provocation », s’insurge une militante de l’association Enfance et Partage.
Un signal fort, mais des attentes élevées
En convoquant les géants du commerce en ligne, le gouvernement veut marquer un tournant dans la régulation des contenus et produits illégaux.
Mais pour les associations, il faudra aller plus loin : « Supprimer les produits ne suffit pas », rappelle un représentant de la Fondation pour l’Enfance. « Il faut des sanctions exemplaires et un suivi international, car ces plateformes changent d’URL ou de vendeur du jour au lendemain. » Sarah El-Haïry promet de faire de cette affaire un cas d’école : « On sait que la détention d’images ou d’objets pédocriminels amène à des passages à l’acte. Nous devons protéger nos enfants, sur Internet comme ailleurs. »
