Âgé de 34 ans, ce fils d’intellectuels indiens, élu du Queens et proche d’Alexandria Ocasio-Cortez, s’est imposé comme le visage d’une gauche jeune, connectée et redoutablement habile sur les réseaux sociaux.
Il y a encore un an, peu de New-Yorkais connaissaient son nom. Aujourd’hui, Zohran Mamdani, 34 ans, est sur le point de devenir le nouveau maire de New York, après avoir remporté la primaire démocrate en juin et dominé tous les sondages à quelques jours du scrutin du 4 novembre. Musulman, socialiste, et enfant d’immigrés indiens, il incarne une génération politique qui bouscule les codes de la plus grande ville des États-Unis. « Hier, une femme m’a crié “communiste !” dans la rue. J’ai répondu : “cycliste !” », plaisantait-il récemment, sous les rires d’un auditoire de chefs d’entreprise. Derrière cette ironie, un sens aigu de la communication, une stratégie millimétrée pour séduire un électorat en quête d’authenticité.
L’outsider devenu favori
Né en Ouganda de parents indiens — un père professeur à Columbia et une mère réalisatrice primée (Salaam Bombay!) — Zohran Mamdani a grandi dans le Queens, quartier populaire de New York. Élu local depuis 2020, il s’est imposé en quelques mois comme la figure montante de la gauche new-yorkaise, proche de Bernie Sanders et Alexandria Ocasio-Cortez. Lorsqu’il a remporté la primaire démocrate face à l’ex-gouverneur Andrew Cuomo, symbole du centrisme traditionnel, l’establishment a tremblé. « Ce socialiste va ruiner la ville », alertent les milieux d’affaires. Mais loin de s’effondrer, Mamdani a choisi de séduire Wall Street — sans renier ses convictions.
Depuis juin, le candidat a multiplié les rencontres avec les décideurs économiques. Il a su convaincre des figures influentes, comme Kathryn Wylde, présidente du Partnership for New York City, qui reconnaît un « virage pragmatique ». « Il est sur la ligne démocrate, pas socialiste », dit-elle. « Il écoute, il s’adapte. Et il comprend que l’économie privée fait partie de l’équation. » Même les géants de la finance, Michael Bloomberg, Jamie Dimon (JPMorgan) ou Albert Bourla (Pfizer), ont accepté de le rencontrer. Wall Street, prudente mais réaliste, se prépare déjà à travailler avec lui.
Une ascension construite sur Instagram et TikTok
S’il a conquis les urnes, c’est d’abord grâce à une campagne numérique d’une efficacité redoutable. Sur Instagram et TikTok, Zohran Mamdani s’adresse directement aux habitants du Queens et du Bronx, souvent depuis une épicerie, une rame de métro ou une baraque à kebabs. Il parle du prix du logement, du coût des crèches ou du prix du café avec humour et clarté. « Make Halal Eight Bucks Again », plaisante-t-il dans une vidéo devenue virale, promettant de ramener le prix du kebab à 8 dollars. Son clip le plus célèbre ? Une plongée dans les eaux glacées de Coney Island, costume bon marché sur le dos, pour défendre sa mesure phare : “Freeze the rent”, le gel des loyers stabilisés pendant quatre ans. « C’est drôle, créatif et sincère à la fois », analyse le politologue Ted Hamm. « Il s’adresse à la classe ouvrière et à la classe moyenne, en parlant leur langage. »
C’est aussi ce qui rend sa victoire inédite : New York pourrait élire son premier maire musulman. Mais le parcours de Zohran Mamdani n’a pas été sans polémiques. Dans le passé, il avait appelé à « mondialiser l’intifada », une formule qu’il a ensuite regrettée, expliquant qu’il voulait « soutenir la cause palestinienne ». Il s’est depuis engagé à ne plus employer ce terme et a obtenu le soutien public de plusieurs rabbins. Malgré cela, certains médias conservateurs, dont le New York Post, l’ont attaqué frontalement, le qualifiant de « radical antisémite » ou de « danger pour New York ».
Un programme ambitieux
Avec 16,8 millions de dollars levés, dont 12,8 millions de contributions publiques, Zohran Mamdani est le candidat le mieux financé de la course municipale. Sa campagne a mobilisé plus de 40.000 petits donateurs, souvent issus des quartiers populaires. Cette base militante et numérique a fait de lui le symbole d’une gauche urbaine 2.0, entre idéalisme social et pragmatisme économique.
- Gel des loyers pour un million d’appartements “stabilisés” pendant quatre ans
- Crèches gratuites pour tous
- Bus publics gratuits
- Hausse du salaire minimum à 30 dollars
- Création d’épiceries publiques dans les “food deserts”
Tout en promettant de construire 200.000 logements abordables et d’alléger la fiscalité immobilière, il jure qu’il ne fera pas “fuir les investisseurs”.
S’il est élu, Zohran Mamdani deviendra le plus jeune maire de New York depuis 1898, et le premier à incarner une génération “post-identitaire”, à la croisée de l’activisme, du multiculturalisme et du réalisme économique. L’ancien “outsider du Queens” est sur le point d’écrire l’histoire. Et de prouver qu’à l’ère des réseaux sociaux, une autre gauche new-yorkaise est possible.


