Chez les femmes âgées, un besoin accru de sommeil en journée pourrait annoncer un déclin cognitif. En parallèle, d’autres travaux révèlent comment le sommeil profond protégerait notre mémoire face à Alzheimer.
Faire une sieste quotidienne n’a rien d’inquiétant — au contraire, elle améliore la concentration, la mémoire et la productivité. Mais une étude de l’Université de Californie à San Francisco (UCSF), publiée dans la revue Neurology, révèle un revers inattendu : chez les femmes âgées, une somnolence accrue en journée pourrait être un marqueur précoce de démence.
Une simple sieste… ou un signe avant-coureur de démence ?
Les chercheurs ont suivi 733 femmes en bonne santé, âgées en moyenne de 83 ans, pendant cinq ans. Chaque participante portait un capteur enregistrant ses cycles de repos et d’activité, de jour comme de nuit. Résultat :
- 44 % avaient un sommeil stable,
- 35 % dormaient moins,
- 21 % dormaient de plus en plus souvent et longtemps, y compris en journée.
Au terme du suivi, 13 % ont développé une démence. Les scientifiques ont observé que celles dont la durée et la fréquence des siestes avaient augmenté présentaient deux fois plus de risque de souffrir d’un déclin cognitif.
« Les changements d’habitude de sommeil, comme la durée et la fréquence des siestes, peuvent servir de marqueur précoce », précisent les auteurs. Ils soulignent toutefois que la relation de cause à effet reste à éclaircir : le manque de sommeil peut-il favoriser la démence, ou la démence accroît-elle le besoin de dormir ? « Les deux hypothèses peuvent être vraies », concluent-ils prudemment.
Le sommeil profond, un bouclier contre Alzheimer
Une autre étude, publiée dans BMC Medicine par des chercheurs des universités de Berkeley, Stanford et UC Irvine, apporte une lueur d’espoir : le sommeil profond pourrait préserver la mémoire même lorsque les premiers signes d’Alzheimer sont présents. Les scientifiques ont étudié 62 adultes âgés en bonne santé cognitive. Certains présentaient déjà dans leur cerveau des marqueurs biologiques de la maladie, comme les fameuses protéines bêta-amyloïdes. Ceux qui bénéficiaient d’un sommeil profond de qualité affichaient pourtant de bien meilleures performances de mémoire.
« Considérez le sommeil profond comme un gilet de sauvetage qui maintient la mémoire à flot », illustre Matthew Walker, neuroscientifique à l’Université de Berkeley.
Selon les chercheurs, cette phase du sommeil, aussi appelée sommeil à ondes lentes non-REM, permet au cerveau d’éliminer les déchets métaboliques accumulés, dont ces protéines toxiques. « La présence de pathologies cérébrales ne condamne pas automatiquement à des troubles cognitifs », souligne Zsófia Zavecz, auteure principale de l’étude.
Comment favoriser un sommeil protecteur
Les chercheurs insistent : il ne s’agit pas de multiplier les siestes, mais de préserver la qualité du sommeil nocturne, et notamment du sommeil profond.
Voici leurs recommandations :
- éviter la caféine après 16 heures ;
- pratiquer une activité physique régulière ;
- réduire l’exposition aux écrans avant le coucher ;
- prendre une douche chaude avant de se mettre au lit.
Contrairement aux somnifères, souvent associés à un sommeil superficiel, ces gestes simples permettent d’augmenter naturellement la durée du sommeil réparateur.
Vers une prévention accessible de la démence
Les deux études s’accordent : le sommeil pourrait devenir un levier majeur de prévention du déclin cognitif. En détectant précocement les changements de rythme de sommeil chez les personnes âgées — en particulier une augmentation des siestes —, les médecins pourraient mieux cibler les patients à risque. « La qualité du sommeil pourrait devenir un indicateur central du vieillissement cérébral », résume un des chercheurs. Bien qu’il reste encore à confirmer sur de plus grandes cohortes, ce constat ouvre la voie à une approche simple et non médicamenteuse : mieux dormir pour protéger son cerveau.


