Une révolution silencieuse, mais efficace. Pour les personnes souffrant d’apnée du sommeil sévère, un implant innovant, surnommé le pacemaker du sommeil, offre une nouvelle solution. Disponible dans quelques hôpitaux français et remboursé par l’Assurance Maladie depuis août 2024, ce dispositif baptisé Inspire stimule les muscles de la langue pour rétablir une respiration normale pendant la nuit.
L’apnée du sommeil touche environ 4 à 5 % de la population française. Cette maladie chronique se caractérise par des micro-pauses respiratoires nocturnes dues à l’obstruction des voies aériennes. « Ces interruptions de ventilation provoquent une chute du taux d’oxygène dans le sang. Le cerveau réagit et la personne se réveille brièvement pour reprendre sa respiration », explique l’Assurance Maladie.
Ces “micro-éveils”, dont le dormeur n’a souvent pas conscience, fragmentent le sommeil et entraînent une fatigue intense, des maux de tête au réveil, et parfois des troubles de la concentration ou de la mémoire. À long terme, l’apnée du sommeil augmente le risque de maladies cardiovasculaires, d’accidents de la route ou de dépression.
Des traitements parfois difficiles à supporter
Les traitements de référence visent à maintenir les voies respiratoires ouvertes durant la nuit.
- Les formes légères sont souvent traitées par une orthèse d’avancée mandibulaire, qui décale la mâchoire pour éviter que la langue n’obstrue la gorge.
- Les cas plus sévères nécessitent une ventilation à pression positive continue (PPC), via un masque relié à un appareil soufflant de l’air.
Mais cette solution reste contraignante : près d’un patient sur deux abandonne le masque avant trois ans, selon les Hospices Civils de Lyon (HCL). Bruit, inconfort, sécheresse nasale… le traitement devient vite difficile à vivre au quotidien. Pour ces patients “en impasse thérapeutique”, une nouvelle alternative est désormais disponible : l’implant Inspire, un dispositif de neurostimulation miniaturisé.
Un implant qui stimule les muscles de la langue
Le système Inspire, développé par la société américaine Inspire Medical Systems, agit comme un pacemaker respiratoire. Implanté sous la peau, il est relié à une électrode fixée sur le nerf hypoglosse, responsable des mouvements de la langue. « Lorsqu’une pause respiratoire est détectée pendant le sommeil, le neurostimulateur envoie une impulsion électrique qui fait avancer la langue et libère les voies respiratoires », précisent les Hospices Civils de Lyon. Une seconde sonde, placée dans la cage thoracique, détecte les variations du rythme respiratoire pour ajuster la stimulation en temps réel. Le dispositif se contrôle facilement via une télécommande, que le patient active avant de s’endormir et désactive au réveil.
Avant toute intervention, deux critères sont indispensables :
- avoir un IMC inférieur à 32,
- et avoir échoué aux traitements conventionnels.
Une endoscopie du sommeil permet de confirmer la compatibilité anatomique du patient.
L’implantation s’effectue sous anesthésie générale et dure environ deux heures. « L’intervention consiste en deux incisions : une au niveau du thorax, et une sous le menton. L’avancée de la langue est indolore et uniquement nocturne », détaille la Dr Clémentine Daveau, chirurgienne ORL à l’hôpital de la Croix-Rousse. Un mois après l’opération, une fois la cicatrisation achevée, le dispositif est activé. Selon les premières données, la majorité des patients constate une réduction nette du nombre d’apnées et une amélioration du sommeil profond.
Pris en charge par la Sécurité sociale depuis août 2024
L’innovation Inspire est prise en charge à 100 % par l’Assurance Maladie depuis le 11 août 2024. En France, treize centres hospitaliers sont habilités à pratiquer cette intervention, parmi lesquels Lyon, Lille, Paris, Bordeaux ou Nantes. Dans le monde, plus de 100 000 patients ont déjà bénéficié de ce “pacemaker du sommeil” depuis sa mise sur le marché en 2014. Les études menées à l’international montrent un taux de satisfaction supérieur à 85 % et une nette amélioration de la qualité de vie.
Si le dispositif est jugé sûr et efficace, il ne s’adresse pas à tous les patients. Les chirurgiens rappellent qu’il s’agit d’une intervention lourde, réservée à des profils bien définis. Par ailleurs, certaines études — notamment celle de l’Oregon Health & Science University publiée dans JAMA Neurology — rappellent que les personnes souffrant d’apnée du sommeil non traitée présentent un risque accru de développer la maladie de Parkinson. « Souffrir d’apnée du sommeil ne garantit pas le développement de Parkinson, mais le lien mérite d’être surveillé », nuance le Dr Greg Scott, co-auteur de l’étude.
En combinant technologie, confort et efficacité, Inspire représente un tournant majeur dans la prise en charge de l’apnée du sommeil sévère.
Là où le masque à air échoue, la stimulation neuro-musculaire ouvre une voie nouvelle : celle d’un sommeil retrouvé, sans bruit, sans tuyaux, et sans micro-réveils.


