Brigitte Bardot est morte dimanche à l’âge de 91 ans, à l’aube, dans sa célèbre maison de La Madrague, à Saint-Tropez. Elle était entourée de son mari, Bernard d’Ormale, qui l’a accompagnée jusqu’à ses derniers instants. Selon le directeur de la presse et des relations publiques de la fondation qu’elle avait créée, l’ancienne actrice s’est éteinte paisiblement, après avoir murmuré un dernier mot d’amour, « Piou Piou », à son époux.

La Fondation Brigitte Bardot, fondée en 1986, a annoncé son décès dans un communiqué évoquant une « immense tristesse » face à la disparition de celle qui avait renoncé à une carrière prestigieuse pour se consacrer entièrement à la défense des animaux. Affaiblie depuis plusieurs semaines, Brigitte Bardot avait été hospitalisée à l’automne pour une intervention chirurgicale dont la nature n’avait jamais été rendue publique. Malgré la fatigue, elle restait, selon ses proches, « combative pour les animaux » jusqu’au bout. Avec sa disparition, c’est une figure centrale de la culture française du XX siècle qui s’éteint — une icône mondiale, mais aussi une personnalité profondément clivante.

Star mondiale, actrice discutée : un héritage cinématographique ambivalent

Née en 1934 à Paris, Brigitte Bardot aura tourné 46 films en moins de vingt ans, avant de se retirer définitivement du cinéma au début des années 1970. Son visage, son corps, sa liberté de ton ont marqué toute une époque. Dès Et Dieu… créa la femme, elle devient un symbole international, bien au-delà du seul cadre cinématographique. Mais dix ans après sa mort, l’hommage n’est pas unanime sur le plan artistique. Dans les cinémas d’art et d’essai du Quartier latin à Paris, où les rétrospectives commencent déjà à s’organiser, les cinéphiles interrogés livrent un regard souvent nuancé, parfois sévère. Beaucoup reconnaissent son importance historique, tout en relativisant son talent d’actrice.

Pour certains, Bardot n’a jamais été une « grande comédienne » au sens classique du terme, à la manière de Jeanne Moreau ou Simone Signoret. Son jeu est jugé inégal, parfois répétitif. Plusieurs estiment que son rôle majeur reste La Vérité, sous la direction de Clouzot, plus encore que Le Mépris ou En cas de malheur. D’autres vont plus loin, voyant en elle moins une actrice qu’une image, une incarnation de la France à exporter, façonnée par le regard des réalisateurs et des photographes. Ce constat n’efface pourtant pas son influence. Bardot a transformé durablement la représentation de la femme à l’écran, imposant une sensualité libre, provocante, en rupture avec les normes de son époque. Qu’on l’admire ou qu’on la critique, elle demeure indissociable de l’histoire du cinéma français.

De l’engagement de jeunesse à une parole politique radicalisée

L’histoire de Brigitte Bardot ne se limite ni au cinéma ni à la célébrité. Dans les années 1960, l’actrice s’illustre aussi par des engagements courageux et peu connus du grand public. En 1961, alors âgée de 27 ans, elle dénonce publiquement les menaces de l’Organisation armée secrète (OAS), qui tente de la racketter. Elle publie la lettre de menaces dans la presse, porte plainte et cache même, à la même période, des proches du FLN recherchés par les autorités. Son avocat de l’époque n’est autre que Robert Badinter.

Mais ce visage engagé de la jeunesse contraste fortement avec la trajectoire politique qu’elle adopte par la suite. À partir des années 1990, Brigitte Bardot devient une figure de plus en plus associée à la droite radicale. Ses prises de position contre l’abattage rituel, ses tribunes polémiques, ses soutiens répétés à Marine Le Pen la placent au cœur de nombreuses controverses. Condamnée à plusieurs reprises pour incitation à la haine, elle assume une parole sans nuance, au risque de brouiller durablement son image.

Ce basculement idéologique fait aujourd’hui partie intégrante de son héritage. Pour certains, il ternit son souvenir. Pour d’autres, il illustre une personnalité entière, incapable de compromis, fidèle à ses convictions, quelles qu’elles soient.

La cause animale, fil rouge d’une seconde vie

Après avoir quitté le cinéma, Brigitte Bardot se consacre presque exclusivement à la défense des animaux, un combat qu’elle mènera avec une énergie constante pendant près de cinquante ans. La fondation qu’elle crée devient un acteur majeur de la protection animale en France et à l’international, multipliant les campagnes contre la maltraitance, le trafic d’animaux, la chasse aux phoques ou encore certaines pratiques d’élevage. Pour beaucoup, cet engagement constitue son héritage le plus durable. Même ses détracteurs reconnaissent qu’elle a contribué à faire évoluer le regard de la société française sur la condition animale, bien avant que le sujet ne devienne central dans le débat public.

La mort de Brigitte Bardot laisse derrière elle une figure impossible à enfermer dans une seule catégorie. Actrice mythique mais discutée, militante infatigable mais polémique, symbole de liberté pour les uns, figure clivante pour les autres, elle aura traversé près d’un siècle de vie publique française sans jamais se fondre dans le consensus. À Saint-Tropez, à Paris, dans les salles de cinéma et sur les plateaux de télévision, son nom continuera longtemps de susciter débats et réévaluations. Brigitte Bardot n’était pas seulement une star. Elle était un phénomène culturel, politique et médiatique — et c’est sans doute pour cela que sa disparition résonne bien au-delà du monde du cinéma.

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