En finir avec la « clochardisation de notre justice ». Voilà la volonté du Garde des Sceaux qui a proposé un projet de loi pour augmenter les moyens de la Justice. Avec le soutien du Rassemblement national et de la droite, Eric Dupond-Moretti avait déjà obtenu 3 000 places de prison en plus. Voici les nouveaux contours de cette proposition de loi.
Redonner à la justice les moyens d’agir
À la mi-juin, le Sénat avait déjà donné son feu vert. Ce mardi 18 juillet, les députés ont majoritairement soutenu ce texte en première lecture avec 388 voix pour et 111 voix contre. Les écologistes et La France insoumise ont voté contre et les socialistes et communistes se sont partagé entre abstention et rejet. Le ministre de la Justice s’est montré satisfait de ce large vote. Le plan d’Eric Dupond-Moretti doit réformer une profession dans un « état de délabrement avancé », comme l’avaient qualifié des magistrats dans une tribune. Olivier Marleix, le chef des députés LR dit avoir « obtenu satisfaction » après l’ajout de 3 000 places de prison supplémentaires tout en apposant une nuance : « Cela n’enlève rien à la nécessité d’avoir demain des textes de pure politique pénale plus ferme, mais c’était une condition ».
Concrètement, la réforme se découpe en deux volets. Le premier concerne l’orientation et programmation de la justice (388 voix contre 111) et le second concerne « l’ouverture, la modernisation et la responsabilité de la magistrature » (439 voix contre 65). L’une des mesures phares du projet de loi est d’attribuer un nouveau budget au ministère de la Justice, à savoir environ 11 milliards d’euros d’ici à 2027. En 2023, ce même budget avait déjà été revalorisé à 9,6 milliards. Ce nouveau budget permet notamment l’embauche de 10 000 personnes, dont 1 500 magistrats et 1 5000 greffiers. Dans le même temps, le projet de loi prévoit la création de 18 000 autres afin de désengorger les cellules. La France compte actuellement 73.699 détenus pour 60.562 places opérationnelles. Initialement, le gouvernement prévoyait 15 000 places supplémentaires mais après l’affaire Nahel, les Républicains avaient conditionné leurs voix à l’obtention de 3 000 places de prison supplémentaires.
Des téléphones « mouchards » et une surveillance accrue
C’est une disposition est très controversée, pourtant elle a été approuvée par l’Assemblée nationale le 6 juillet dernier. Elle permet aux enquêteurs d’activer à pitance des téléphones portables afin d’écouter de filmer les personnes qu’ils pensent être impliquées dans des affaires de terrorisme, délinquance et criminalité organisée. Une disposition qui concernerait uniquement « des dizaines d’affaires par an », a rassuré le garde des Sceaux. « On est loin du totalitarisme de 1984 », le roman de George Orwell, a-t-il ajouté. Cet article autorise également la géolocalisation à distance des appareils électroniques, pour les infractions punies d’au moins cinq ans d’emprisonnement. Si cette technique est déjà utilisée par les services de renseignements, elle sera ici conditionnée à l’autorisation, au préalable, d’un juge et sera également interdite aux magistrats, avocats, parlementaires, journalistes et médecins.
De son côté, la gauche s’est montrée alarmée par cet article. Elle dénonce une « pente très dangereuse » ainsi qu’une « intrusion dans la vie privée » et s’inquiète d’une « surveillance généralisée », comme l’a expliqué Andrée Taurinya (LFI).
Nouveaux tribunaux
Ce texte propose également l’instauration de « tribunaux des activités économiques » qui remplaceront les tribunaux de commerce dans neuf à douze circonscriptions judiciaires. Ces nouveaux tribunaux seront soumis à une période d’expérimentation de quatre ans pour toutes les procédures amiables et collectives impliquant n’importe quel acteur économique. De plus, il prévoit la mise en place d’une « contribution pour la justice économique » dont le montant sera déterminé en fonction de l’enjeu du litige et des capacités financières du demandeur, avec exonération pour les petites et moyennes entreprises comptant moins de 250 employés. L’objectif de cette mesure est de promouvoir le règlement à l’amiable des conflits tout en finançant l’aide juridictionnelle.