Un premier procès pour les mineurs
Avant ce grand procès, la justice avait déjà commencé à démêler les fils de l’affaire. En décembre 2023, un tribunal pour enfants avait condamné six anciens collégiens. Âgés de 13 à 15 ans au moment des faits, ces adolescents ont été reconnus coupables d’avoir aidé Abdoullakh Anzorov à identifier Samuel Paty, en échange de quelques dizaines d’euros. Les peines prononcées allaient de quatre mois de prison avec sursis à six mois ferme. Ils avaient été jugés pour « association de malfaiteurs en vue de préparer des violences aggravées ».
Au centre de cette affaire, il ya une jeune collégienne de 13 ans, devenue malgré elle l’un des déclencheurs de la tragédie. Pour se justifier auprès de ses parents d’une exclusion scolaire sans lien avec son professeur, elle avait inventé de toutes pièces une histoire impliquant Samuel Paty. Selon son mensonge récitr, le professeur aurait demandé aux élèves musulmans de quitter la salle avant de montrer des caricatures du prophète Mahomet en classe, ce qui, prétendait-elle, avait provoqué sa rébellion et, par conséquent, son exclusion. La réalité, cependant, était tout autre.
Le mensonge qui a coûté la vie
Le 6 octobre 2020, lors de son cours habituel consacré à la liberté d’expression, Samuel Paty n’avait jamais demandé à qui que ce soit de quitter la salle. Il s’était contenté de proposer à ceux qui pourraient être offensés de détourner le regard brièvement. Ironie tragique : la jeune fille qui avait fait éclater le scandale n’était même pas présente ce jour-là, s’étant fait porter pâle. Pour ce mensonge qui a contribué à enflammer les esprits, elle a été condamnée à dix-huit mois de sursis probatoire pour « dénonciation calomnieuse ».
Le 7 octobre, son père, Brahim Chnina, furieux d’apprendre la prétendue injustice subie par sa fille, avait pris la situation en main. Il avait publié une série de vidéos sur les réseaux sociaux, désignant nommément Samuel Paty et le collège du Bois d’Aulne. Avec l’aide d’Abdelhakim Sefrioui, un militant islamiste fiché S, ils avaient lancé une campagne de haine contre l’enseignant, qualifiant son comportement d’« inacceptable » et réclamant sa démission. La machine infernale était en marche.
Les accusés face à leurs responsabilités
Sept hommes et une femme se comparent désormais devant la cour d’assises spéciale. Parmi eux, deux amis du terroriste, Naïm Boudaoud et Azim Epsirkhanov, sont accusés de « complicité d’assassinat terroriste » et risquent la réclusion criminelle à perpétuité. Boudaoud, 22 ans, a aidé Anzorov dans ses déplacements et ses achats d’armes. Epsirkhanov, un Tchétchène de 23 ans, a reçu 800 euros pour procurer une arme à Anzorov, une tâche qu’il n’a finalement pas accomplie.
Brahim Chnina et Abdelhakim Sefrioui sont jugés pour « association de malfaiteurs terroristes ». Pour la justice, leur campagne en ligne a contribué à désigner Samuel Paty comme une cible, créant un contexte favorable au passage à l’acte d’Anzorov. Les avocats de Sefrioui plaideront l’acquittement, arguant qu’aucun lien direct n’existe entre ses propos et le crime. Le procès s’étendra sur sept semaines, du 4 décembre au 19. Pour la famille de Samuel Paty, ce moment est à la fois attendu et redouté. « Ils espèrent que les débats apporteront des éléments de compréhension », confie Me Virginie Le Roy, leur avocate. Mais ils ne cachent pas leur douleur et leur désir de justice, quatre ans après un assassinat qui a bouleversé la France.