Le retrait de la Légion d’honneur pour des personnalités accusées de violences sexistes et sexuelles est au cœur d’une lettre adressée à Emmanuel Macron.
Parmi les signataires de cette lettre ouverte figurent des personnalités reconnues telles que l’humoriste Muriel Robin, l’ancienne patineuse artistique Sarah Abitbol ou encore l’ancien ministre de la Santé Aurélien Rousseau.
Les figures publiques visées
La tribune met en lumière plusieurs noms emblématiques, parmi lesquels :
- Gérard Depardieu, acteur de renom accusé par plusieurs femmes de violences sexuelles. Mis en examen pour viols et agressions sexuelles, il fait l’objet de multiples témoignages accablants.
- Patrick Poivre d’Arvor, ancien présentateur vedette de TF1, mis en examen pour viol et accusé par de nombreuses femmes.
- Joël Guerriau, sénateur, actuellement mis en examen pour « administration d’une substance afin de commettre un viol ou une agression sexuelle », après une plainte déposée par la députée Sandrine Josso, elle-même signataire de la tribune.
- Jean-Vincent Placé, ancien sénateur, déjà condamné pour harcèlement sexuel et mis en examen pour agressions sexuelles.
La légion d’honneur remise en question
Symbole de mérite, d’engagement et de service envers la République, la Légion d’honneur est une distinction prestigieuse, synonyme d’exemplarité. Cependant, les signataires de la tribune s’interrogent sur la légitimité de maintenir cette décoration pour des personnalités impliquées dans des affaires de violences sexistes et sexuelles.
« Cette absence de réaction ajoute une violence institutionnelle aux violences déjà subies par les plaignantes. Elle fragilise le lien de confiance entre les citoyens et leurs institutions », affirment les signataires. Ils dénoncent également le mépris affiché par Gérard Depardieu envers sa propre décoration, un comportement jugé incompatible avec l’honneur conféré par cette distinction.
Une suspension temporaire pour protéger la justice et les institutions
Pour les signataires, la solution serait d’instaurer une suspension temporaire de la Légion d’honneur pour toutes les personnalités mises en examen pour violences sexistes et sexuelles, le temps que la justice suive son cours. « Une suspension des ordres, le temps que la justice fasse son travail, ne contreviendrait en rien à la présomption d’innocence. Les médailles seraient alors retirées ou rétablies – en fonction d’une condamnation ou non », expliquent-ils. Ils soulignent que la crédibilité des institutions françaises, ainsi que celle de la justice, repose sur une gestion exemplaire de ces distinctions.
Un signal fort avant la promotion du 1er janvier
À quelques jours de l’annonce de la nouvelle promotion de la Légion d’honneur, prévue le 1er janvier, la tribune insiste sur l’importance d’envoyer un signal fort à la société. « Suspendre systématiquement les décorations des personnes mises en examen pour violences sexistes et sexuelles, en attendant l’issue de la procédure judiciaire, serait un geste symbolique mais nécessaire pour rétablir la confiance dans nos institutions », avancent les signataires.
En décembre 2023, la ministre de la Culture, Rima Abdul Malak, avait annoncé qu’une procédure disciplinaire concernant la Légion d’honneur de Gérard Depardieu allait être engagée. « Ce sera à eux de décider », avait-elle déclaré sur le plateau de C à Vous. Face à cette annonce, Gérard Depardieu avait rapidement réagi. Via un communiqué transmis à l’AFP par ses avocats, il avait déclaré qu’il mettait sa Légion d’honneur « à la disposition » de la ministre. Cependant, malgré cette annonce, aucune décision officielle n’a été prise pour le moment. Cette inertie est perçue par les signataires comme une forme d’abandon vis-à-vis des victimes et une validation tacite des comportements incriminés.
Une tribune qui s’inscrit dans un mouvement sociétal
Cet appel s’inscrit dans un contexte où les questions de violences sexistes et sexuelles occupent une place centrale dans les débats publics. Depuis l’émergence du mouvement #MeToo, la société demande des réponses plus claires et des actions concrètes face à ces accusations. La tribune adressée à Emmanuel Macron marque une nouvelle étape dans ce combat. Elle met en lumière une problématique institutionnelle : les distinctions honorifiques attribuées par l’État doivent-elles être soumises à des critères de moralité et d’exemplarité au-delà des procédures judiciaires ? La réponse à cette question pourrait non seulement redéfinir les règles entourant l’attribution et le retrait de ces médailles, mais aussi poser les bases d’une réforme institutionnelle plus large.
Alors que la tribune des 135 personnalités continue de faire parler d’elle, l’Elysée reste pour l’instant silencieux sur cette question. La publication de la promotion de janvier 2024 pourrait apporter des éléments de réponse, mais beaucoup attendent un geste fort de la part d’Emmanuel Macron.