L’eau du robinet en France est massivement contaminée par des « polluants éternels », notamment l’acide trifluoroacétique (TFA), selon une enquête menée par l’UFC-Que Choisir et l’ONG Générations Futures. Ce composé chimique, présent dans 24 des 30 villes testées, dépasse dans 20 communes la norme européenne de 100 nanogrammes/litre pour les 20 PFAS réglementés, une limite qui entrera pleinement en vigueur en 2026.
Le TFA, un produit chimique composé de la famille des PFAS (substances per- et polyfluoroalkylées), est particulièrement préoccupant en raison de sa persistance dans l’environnement. Quasi indestructible, il s’accumule dans l’air, les sols, les cours d’eau et même dans le corps humain. Selon les premières études, une exposition prolongée aux PFAS pourrait affecter la fertilité et augmenter les risques de certains cancers. Parmi les communes les plus contaminées, Paris affiche une concentration alarmante de 6 200 ng/l, la réception juste derrière Moussac, dans le Gard, avec 13 000 ng/l. Ces chiffres s’expliquent par la proximité de certaines communes avec des installations industrielles comme l’usine Solvay, qui produisait du TFA jusqu’en septembre 2024.
Pourquoi le TFA est-il si difficile à éliminer ?
Le TFA se distingue des autres PFAS par sa structure chimique unique, qui le rend particulièrement mobile et résistant. Ce polluant utilisé « à chaîne courte » échappe aux techniques de décontamination classiques dans les usines de traitement d’eau potable, qu’il s’agisse de charbons actifs ou de membranes de filtration. Julie Mendret, chercheuse à l’université de Montpellier, explique que ces caractéristiques font du TFA une substance extrêmement complexe à éliminer. « Sa petite taille et sa grande mobilité le rendent moins bien retenu par les technologies actuelles », précise-t-elle.
En dépit de sa substance suspectée pour le foie et de sa possible classification comme toxique pour la reproduction par l’Agence européenne des produits chimiques, le TFA est très peu contrôlé en France lors des analyses de l’eau potable, déplore Générations Futures. L’ONG rappelle que le TFA est souvent un produit de dégradation d’herbicides comme le flufénacet, récemment classé perturbateur endocrinien par l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA).
Une réglementation jugée insuffisante
En France, les normes actuelles pour les PFAS, bien que conformes aux exigences européennes, sont jugées insuffisantes par les associations environnementales. La limite nationale de 100 ng/l pour 20 PFAS spécifiques est considérée comme « trop peu protectrice » comparée aux pays comme les États-Unis ou le Danemark, où les seuils bien plus stricts sont appliqués. L’UFC-Que Choisir et Générations Futures appelle à un renforcement immédiat des normes pour mieux protéger la population. Ces associations réclament également la mise en place d’un contrôle plus rigoureux du TFA et des autres PFAS présents dans l’eau potable, en s’appuyant sur le principe de précaution.
Malgré les alertes répétées, les solutions pour éliminer ces « polluants éternels » restent limitées. Le élevé des technologies de décontamination avancées et l’absence de traitements spécifiquement adaptés au TFA complique la lutte contre cette contamination généralisée. Pourtant, la prise de conscience grandissante autour des PFAS, couplée à une pression accrue des associations et de certains États membres de l’Union européenne, pourrait accélérer la recherche de solutions plus efficaces.
En attendant, les experts recommandent une vigilance accrue et une meilleure transparence sur la qualité de l’eau potable, un enjeu sanitaire qui concerne des millions de Français au quotidien.