Chikungunya en métropole : « Ce que les épidémiologistes redoutaient est en train d’arriver : ce ne sont plus des maladies tropicales », alerte William Dab, professeur en épidémiologie.
À l’aube de l’été 2025, la France fait face à un phénomène inattendu : l’apparition, plus tôt que jamais, de cas autochtones de chikungunya en métropole. Selon Santé publique France, huit cas locaux ont été confirmés entre le 27 mai et le 19 juin dans des régions comme Provence‑Alpes‑Côte d’Azur, Corse, Occitanie et Auvergne‑Rhône-Alpes – un niveau jamais vu à une période si précoce de l’année. Ces cas interviennent dans un contexte d’importations massives : 645 cas importés de chikungunya signalés entre début mai et fin juin 2025 dans l’Hexagone, en lien notamment avec l’épidémie toujours en cours à La Réunion.
« Ce ne sont plus des maladies tropicales » : l’alerte de William Dab
Le professeur William Dab tire la sonnette d’alarme : jusqu’à présent considérées comme strictement tropicales, les arboviroses (dengue, chikungunya, Zika…) semblent désormais s’implanter durablement en Europe. Selon lui, l’arrivée précoce des cas autochtones en métropole confirme cette tendance. Ce qui était redouté par les épidémiologistes se produit désormais : ces pathologies ne sont plus confinées aux zones exotiques.
Le moustique Aedes albopictus, principal vecteur du chikungunya, est désormais présent dans 81 des 96 départements français et actif dès les premiers mois de chaleur . Le réchauffement climatique a modifié les saisons, permettant à ces insectes de proliférer plus tôt et plus longtemps, étendant ainsi les fenêtres de transmission virale . En parallèle, l’épidémie massive en cours à La Réunion (plus de 47 500 cas confirmés) et à Mayotte (plus de 57 000 cas) alimente de manière continue les cas importés vers la métropole, favorisant des contaminations locales via les moustiques tigres établis au sol .
Les chiffres clés en métropole : importations en hausse et premiers cas autochtones
- Entre le 1er mai et le 24 juin 2025 : 645 cas importés de chikungunya en France hexagonale
- Comparaison : en 2024, environ 34 cas importés pour la même maladie, et un seul cas autochtone identifié
- Début juin 2025, rapport de Santé publique France montre que ces huit cas autochtones sont les plus précoces jamais observés dans l’année
Risques sanitaires et pronostic pour la population
Le chikungunya provoque généralement une forte fièvre accompagnée de douleurs articulaires souvent intenses et prolongées — plusieurs mois après l’infection chez près de 50 % des cas. Des formes sévères, bien que rares, peuvent toucher les personnes fragiles : personnes âgées, immunodéprimées, nourrissons — pouvant mener à des hospitalisations, voire des complications neurologiques ou cardiaques.
Selon les données de l’ECDC, bien qu’aucun cas autochtone n’ait encore été reconnu en Europe continentale en 2025, le risque est clairement identifié : l’environnement devient progressivement favorable à la transmission locale dans les zones où Aedes albopictus est installé. La combinaison de cas importés en nombre et de conditions climatiques propices crée un terrain favorable à une circulation régulière du virus, qui pourrait s’étendre à d’autres pays européens. William Dab et les épidémiologistes soulignent la nécessité d’une vigilance accrue et d’une adaptation des protocoles de surveillance.
Mesures à renforcer face à cette mutation épidémique
- Surveillance épidémiologique renforcée, dès les premiers cas importés
- Communication ciblée auprès des populations, notamment pour adopter des réflexes de protection (répulsifs, vêtements longs…)
- Traitement rapide et traçabilité des cas, pour éviter le déclenchement indirect d’une chaîne locale
- Coordination européenne pour limiter les transmissions entre pays
Le chikungunya n’est plus une maladie confinée aux zones tropicales : les premiers cas autochtones confirmés plus tôt que jamais en France métropolitaine signalent une transition inquiétante vers une réalité européenne. Pour William Dab, le moment est venu d’agir : adapter les systèmes de santé, renforcer la prévention et accepter que ces maladies ne sont désormais plus exotiques, mais bien présentes chez nous.