Trois ans après le drame, la France revit l’un des crimes les plus atroces de ces dernières décennies. Dahbia Benkired, 27 ans, est jugée depuis vendredi devant la cour d’assises de Paris pour meurtre sur mineur de moins de 15 ans, viol précédé de tortures et actes de barbarie.
Le 14 octobre 2022, la petite Lola Daviet, 12 ans, disparaît en rentrant du collège. Fille des gardiens d’un immeuble du 19ᵉ arrondissement de Paris, elle sera retrouvée sans vie quelques heures plus tard, enfermée dans une malle en plastique noir au fond de la cour intérieure. L’image de cette fillette souriante, victime d’une violence insoutenable, avait choqué le pays entier. Et plus encore la cruauté et le calme apparent de celle qui reconnaîtra brièvement, avant de se rétracter, être l’auteure du crime.
Que s’est-il passé le 14 octobre 2022 ?
Ce vendredi-là, Lola rentre de cours aux alentours de 15 h 15. Les caméras de surveillance la montrent entrant dans le hall de son immeuble, suivie par une femme que ses parents connaissent de vue : Dahbia Benkired, 24 ans à l’époque, hébergée épisodiquement chez sa sœur, locataire du bâtiment. À 17 heures, la jeune femme ressort avec deux valises et une grande malle noire. À 23 h 20, un sans-abri découvre dans cette malle le corps de la fillette, ligotée, partiellement dénudée, le corps marqué de coups et de plaies.
Les chiffres « 0 » et « 1 » ont été inscrits au vernis rouge sur ses pieds. L’autopsie confirmera une mort par asphyxie. Alertée par la mère de l’enfant, la brigade criminelle est immédiatement saisie. Cutter, ruban adhésif, traces de sang et de javel guideront les enquêteurs vers un scénario d’une violence inouïe. Un témoin, Carime B., permet d’ailleurs d’identifier rapidement Dahbia Benkired grâce à la plaque d’immatriculation d’un véhicule qu’elle avait emprunté dans la soirée.
Des aveux glaçants avant rétractation
Interpellé le lendemain matin, Dahbia Benkired nie d’abord, puis passe aux aveux avant de se rétracter quelques heures plus tard. « J’ai dit toute la vérité. J’oserais pas tuer une personne en fait », déclare-t-elle aux enquêteurs. Mais le récit qu’elle livre aux policiers glace d’effroi. Elle explique avoir agi par colère après une altercation avec la mère de Lola : « J’ai eu la haine, je n’étais pas bien. » Elle dit ensuite avoir croisé l’enfant dans le hall et l’avoir contrainte à monter avec elle à l’étage. Dans son premier aveu, elle raconte avoir forcé la fillette à se doucher, avant de la violer, de la frapper et de l’étrangler.
« J’ai abusé un peu, histoire d’avoir mon plaisir et point barre. » Lorsqu’on lui montre des photos du corps, elle lâche : « Ça ne me fait ni chaud ni froid. Moi aussi, je me suis fait violer et j’ai vu mes parents mourir devant moi. » Quelques heures plus tard, elle changera de version, prétendant avoir simplement « rêvé » cette scène.
Une personnalité manipulatrice selon les experts
Dahbia Benkired, née en Algérie en 1998, est arrivée en France en 2016 avec un titre de séjour étudiant. En 2022, elle est sans emploi, sans logement et visée par une obligation de quitter le territoire français. Son parcours est marqué par des traumatismes : la perte de ses deux parents, des violences conjugales et une consommation régulière de cannabis.
Les expertises psychiatriques décrivent une personnalité « perverse et narcissique », sans pathologie mentale, avec une capacité de discernement intacte.
Le premier rapport souligne « une tendance à la duperie et à la manipulation », et « un haut potentiel narcissique psychopathique ». Placée en détention provisoire à Fresnes dès le 17 octobre 2022, elle sera ensuite internée en unité pour malades difficiles. Une contre-expertise confirme qu’elle est pénalement responsable de ses actes.
Le témoin de la rue Manin raconte une scène surréaliste
Au deuxième jour du procès, ce lundi 20 octobre, la cour d’assises a entendu Carime B., 29 ans, témoin clé de l’enquête. Il a croisé Dahbia Benkired quelques heures après le meurtre, traînant la fameuse malle noire. « Elle m’a demandé de l’aider à la transporter jusqu’aux Hauts-de-Seine, alors que j’étais à pied », raconte-t-il à la barre. « Je lui ai dit que je ne pouvais pas, et là elle me dit : “J’ai des choses intéressantes à te vendre.” Intrigué, il l’accompagne dans un café du coin, le Rallye, où il a ses habitudes. « Je lui dis : montre ce qu’il y a dedans. Elle me dit : regarde par toi-même. J’ai senti une forte odeur de javel, j’ai vu une tache de sang très claire. Je lui demande : y’a un corps dedans ? Elle me répond : tu crois que je fais quoi ? » Carime B. est sous le choc. « Elle avait un regard très froid, très sombre », dira-t-il encore. « Je me suis dit qu’elle était folle. »
Après avoir quitté le café, Dahbia Benkired poursuit son errance. Elle prend un café, achète des croissants, puis contacte un ami, Rachid N., qu’elle convainc de venir la chercher. « Elle était souriante, normale, comme si de rien n’était », a-t-il déclaré. Ils dînent ensemble dans un fast-food d’Asnières. La malle noire est toujours là.
Quelques heures plus tard, Rachid la dépose devant l’immeuble de sa sœur, rue Manin. C’est là que Friha Benkired, horrifiée, découvre le corps et alerte les secours. Dahbia prend la fuite et se réfugie chez un autre ami à Bois-Colombes. Elle sera interpellée le lendemain matin par la brigade criminelle.
Un père mort de chagrin
La mère de Lola assiste aux audiences, effondrée. Son père, Johan Daviet, n’est plus là : il est mort d’une crise cardiaque en février 2024, à 49 ans. « Il ne s’est jamais remis de la mort de sa fille », confie leur avocate, Me Clotilde Lepetit. Pour la famille, ce procès est celui de la douleur et des questions restées sans réponse. « Nous espérons comprendre enfin pourquoi. C’est ce qu’il leur reste : des questions insoutenables. »
Depuis le début des débats, Dahbia Benkired garde la même attitude déroutante : ricanements, déni, provocations. Elle conteste les faits, prétend être victime d’un complot, ou accuse les témoins d’avoir menti. Face au président, elle répète : « Je suis pas folle. » Mais les jurés devront décider si elle a, ce jour-là, agi dans un moment de rage ou dans une logique de domination froide et calculée. Le verdict est attendu le 24 octobre 2025. Elle encourt la réclusion criminelle à perpétuité incompressible.