Après vingt jours de détention à la prison de la Santé, l’ancien président est désormais libre, mais placé sous un contrôle judiciaire strict.
Nicolas Sarkozy a quitté lundi 10 novembre la maison d’arrêt de la Santé, à Paris, après avoir passé près de trois semaines derrière les barreaux. Condamné à cinq ans de prison ferme pour association de malfaiteurs dans l’affaire du financement libyen de sa campagne présidentielle de 2007, l’ancien chef de l’État a été remis en liberté par décision de la cour d’appel de Paris. S’il retrouve son domicile, Nicolas Sarkozy reste soumis à un contrôle judiciaire strict, avec plusieurs interdictions inédites, dont celle de quitter le territoire français et de prendre contact avec le ministre de la Justice Gérald Darmanin.
Une libération encadrée et motivée par « des garanties de représentation »
Dans son arrêt, que franceinfo a pu consulter, la cour d’appel de Paris estime que Nicolas Sarkozy « ne présente pas de risque de fuite ni d’insuffisance de garanties de représentation ». Les magistrats relèvent son enracinement familial, professionnel et patrimonial en France, ainsi que le fait qu’il s’est « toujours présenté aux convocations judiciaires ». Le maintien en détention n’a donc pas été jugé nécessaire, conformément à l’article 144 du Code de procédure pénale, qui ne l’autorise que s’il constitue le seul moyen d’empêcher la destruction de preuves, les pressions sur des témoins, ou une récidive.
Les juges considèrent que ces risques peuvent être écartés « par une mesure de contrôle judiciaire adaptée ». En revanche, ils ont tenu compte de certains éléments préoccupants, évoquant « la capacité de l’ancien président à actionner différents services de l’État », en référence à ses précédentes condamnations, notamment dans l’affaire Bismuth, pour trafic d’influence.
Interdiction de quitter la France et de contacter Gérald Darmanin
La cour d’appel a imposé à Nicolas Sarkozy l’interdiction de quitter le territoire français, soulignant qu’« en tant qu’ancien chef de l’État, il dispose de facilités naturelles pour entrer en contact avec des dirigeants étrangers ». Plusieurs protagonistes du dossier libyen, dont d’anciens responsables du régime de Mouammar Kadhafi, résident à l’étranger. L’arrêt contient également une mesure rarissime : l’interdiction formelle d’entrer en contact avec le ministre de la Justice, Gérald Darmanin, qui s’était rendu à la prison de la Santé pour lui rendre visite peu après son incarcération, le 29 octobre. La cour y voit un risque d’atteinte « à la sérénité des débats » et à « l’indépendance des magistrats ». L’ancien président ne peut également échanger avec aucun membre du cabinet du garde des Sceaux ni avec aucun cadre du ministère de la Justice. Il lui est en outre interdit de contacter ses coprévenus et les dix-sept personnes liées à l’enquête, ainsi qu’une liste de huit dignitaires libyens cités dans le dossier.
La décision souligne que si Nicolas Sarkozy n’exerce plus de fonction publique, il conserve un réseau d’influence susceptible d’entraver les procédures. Les magistrats évoquent notamment un échange datant de 2013 avec Patrick Calvar, alors directeur central du renseignement intérieur, qualifié de « problématique » car soumis au secret-défense. Les juges ont également rappelé que Nicolas Sarkozy est toujours mis en examen pour recel de subornation de témoin, dans le cadre d’une autre information judiciaire liée à l’intermédiaire Ziad Takieddine, décédé en septembre.
Nicolas Sarkozy déclare avoir vécu « un cauchemar »
Cette libération s’inscrit dans un climat particulièrement sensible, tant sur le plan judiciaire que politique. Plusieurs voix, notamment à droite, avaient dénoncé une décision d’incarcération « injustifiée », tandis que d’autres s’inquiétaient d’une forme de confusion entre justice et pouvoir politique après les visites de Gérald Darmanin et les marques de soutien du président Emmanuel Macron. La cour d’appel, consciente de cette tension, a justifié ses restrictions de contact par le souci d’éviter tout risque d’ingérence ou de pression institutionnelle.
Dès sa sortie de prison, Nicolas Sarkozy a confié avoir vécu ces vingt jours de détention comme un « cauchemar ». « Je n’avais pas imaginé attendre 70 ans pour connaître la prison. C’est dur, très dur, éreintant », a-t-il déclaré, tout en affirmant une nouvelle fois son innocence. L’ancien président, déchu de sa Légion d’honneur, a ajouté : « La vérité triomphera. » Il reste cependant sous le coup de plusieurs procédures : outre l’affaire libyenne, il a été définitivement condamné dans l’affaire Bismuth, et attend la décision de la Cour de cassation dans le dossier Bygmalion, prévue le 26 novembre. Son procès en appel dans l’affaire libyenne pourrait débuter en mars 2026.
