Un journaliste sur deux est témoin de racisme sur son lieu de travail. C’est le résultat accablant d’une enquête du SNJ-CGT sur le racisme dans les médias qui sera publiée dans les prochains jours. En réaction, 170 journalistes issus de la presse écrite, web et de la radio ont signé une tribune publiée dans Libération pour dénoncer ce racisme et lancent une association contre « les médias en grande majorité blancs ».
Le racisme dès l’école de journalisme
« Les rédactions, de gauche comme de droite, restent en grande majorité blanches, notamment aux postes à responsabilités », peut-on lire dans un premier temps dans cette tribune rédigée pour les « consœurs et confrères discriminé·e·s, exploité·e·s et marginalisé·e·s en école, en recherche d’emploi, en situation de précarité et en rédaction ». Pour ce faire, les journalistes signataires dont Rokhaya Diallo, Grace Ly et Sébastien Folin, ont décidé de créer une association : l’AJAR, l’association de journalistes antiracistes et racisé.es. « Nous sommes, par nos histoires, nos origines ethniques, nos couleurs de peau, nos religions, concerné·e·s par le racisme dans la société française, y compris dans les médias. Nous avons décidé de créer l’Association des journalistes antiracistes et racisé·e·s (AJAR) pour s’attaquer au racisme dans le journalisme » lit-on en préambule.
Selon les signataires, le racisme dans le monde des médias commencent dès l’école de journalisme « où les personnes racisées sont en grande minorité et, de fait, déjà exclues des réseaux de la profession ». Le racisme serait donc monnaie courante au sein de l’école qui forme les nouvelles voix du journalisme. « Il y a un an, une étudiante noire se voit par exemple affublée d’un filtre singe sur une photo que l’un de ses camarades de classe fait circuler. Il y a quelques mois, pendant le voyage scolaire d’une école prestigieuse, un professeur imite Jean-Marie Le Pen auprès de l’un de nos membres d’origine algérienne. Il blague sur les massacres coloniaux : «Nous faisions barbecue d’Algériens ». Le racisme dans le monde des médias « c’est un collègue, dans un média de gauche, qui s’oppose à un sujet sur le racisme anti-asiatique, car ce serait une nouvelle invention «pour une communauté qui cherche à exister», c’est un chef dans la presse professionnelle qui surnomme l’une de nos membres «la petite beurette», énumère les signataires.
S’insurger et agir
Ces exemples n’en sont que certains parmi d’autres, en grand nombre. L’idée de cette association ? « Agir ensemble » et appeler « les rédactions et les écoles à prendre leurs responsabilités ». Si le problème est pris à bras-le-corps, un traitement médiatique différent pourrait bien pouvoir voir le jour. « Les dynamiques racistes méritent une attention sérieuse et une couverture médiatique exigeante. Cela passe aussi par le recrutement de personnes racisées et pas uniquement celles issues des milieux les plus favorisés. L’occasion également pour eux de s’insurger contre le « climat de violences racistes dans l’espace public », citant comme exemple, entre autres, Omar Sy, alors qu’il est fait la promotion du film Tirailleurs. « Le terme d’«ingratitude» est lâché, plusieurs fois, sur différents plateaux. A des heures de grande écoute, des journalistes exigent d’un Français noir qu’il se fasse petit et dise «merci» pour sa carrière ».
L’association compte donc bien faire bouger les lignes. « Nous, l’Association des journalistes antiracistes et racisé·e·s, invitons les journalistes confronté·e·s au racisme à nous rejoindre, et appelons avec nos soutiens, les rédactions, les écoles, les syndicats et les collectifs de journalistes à travailler ensemble ».