On pensait en avoir fini avec le racisme au sein du football. Eh bien non. Et l’équipe de France en est la première victime.
Ils ont brillé. Tout au long de cette coupe du monde. Un jeu qui s’est démarqué par son sens du collectif et qui a rendu fiers, une fois de plus, les Français. Et pourtant, il semblerait que leur parcours, n’ait pas suffit pour une poignée de personnes. Depuis la défaite de la France, ce dimanche 18 novembre, (3-3, 4-2 aux t.a.b.), les insultes racistes affluent sur les réseaux sociaux. Et ces insultes sont devenues systémiques depuis de nombreuses années.
Le gouvernement condamne les sorties racistes
S’ils avaient soulevé la coupe, l’histoire aurait peut-être été différente ? En tout cas, sur les réseaux sociaux, c’est une déferlante de haine qu’accusent certains joueurs. Notamment Randal Kolo Muani, qui a dû désactiver les commentaires sur Instagram à cause des propos racistes, Hugo Lloris qui a été pris pour cible pour n’avoir arrêté aucun des tirs au but argentin, Kingsley Coman ou encore Aurélien Tchouaméni qui a manqué son tir au but. Excepté Hugo Lloris, tous ont été victimes de racisme et ramenés à leur couleur de peau. Sur Instagram, on peut voir des commentaires comme « King = Esclave », « retourne dans la jungle » ou encore des smiley qui représentent des singes. Entre autres. Des insultes qui ne datent pas d’hier puisque Kylian Mbappé en avait été la cible lors de l’Euro 2021 après son penalty manqué contre la Suisse, en huitièmes de finale.
Le Bayern, club dans lequel évolue Coman a tenu à prendre la parole et à apporter son soutien au joueur : « Le Bayern condamne fermement les propos racistes tenus à l’encontre de Kingsley Coman. La famille du Bayern est derrière toi, King. Le racisme n’a pas sa place dans le sport ou dans notre société », a écrit le club bavarois. « Insupportable », a de son côté déclaré Isabelle Rome, la ministre déléguée à l’Égalité entre les femmes et les hommes, quant aux sorties racistes à l’encontre de l’équipe de France. « Je condamne ces propos avec la plus grande fermeté. Notre devoir est de ne rien laisser passer », a ajouté la ministre sur Twitter. Ces propos ont été ré-affirmés par la ministre des Sports, Amélie Oudéa-Castera : « Honteux. Total soutien à Kingsley Coman et à tous les joueurs victimes de commentaires racistes sur les réseaux sociaux, qui n’ont pas leur place dans le football ni nulle part ailleurs ».
"Ils jouent en France, mais sont tous d'Angola !"
Et si ces propos racistes sont, pour la plupart, faits de façon anonyme, elles sont motivées par les propos racistes de personnalités publiques, comme Eric Zemmour. En effet, depuis le début de la compétition, il n’a eu de cesse de remettre en cause la couleur de peau des joueurs de l’équipe de France. Sur BFMTV, l’ancien éditorialiste s’était naturellement interrogé sur le fait que l’équipe de France se compose de « huit ou neuf joueurs de couleur noire ». Avant d’ajouter : « Si vous aviez neuf joueurs blanc dans l’équipe sénégalaise, je pense que les Sénégalais s’interrogeraient. (…) Il faut que l’équipe ressemble au pays, tout simplement ». Le 12 décembre, toujours sur BFMTV, Eric Zemmour a préféré parler des convictions religieuses d’Olivier Griourd plutôt que de la performance de l’équipe de France : « Un des joueurs marocains a dédié sa victoire à l’ensemble du monde musulman. Imaginez-vous qu’Olivier Giroud puisse dédier sa victoire à l’ensemble du monde chrétien ? ». Et il n’est pas le seul à ne voir que les couleurs de peau sur le terrain de football. Marion Maréchal y est également allée de son commentaire sur Europe 1, le 15 décembre. : « Les visages issus de l’immigration sont surreprésentés dans cette équipe, indéniablement. Je ne suis pas sûre qu’elle soit tout à fait représentative des équilibres entre Français d’origine française et Français d’origine immigrée ».
Ces sorties racistes ne datent pas d’hier et trouvent leur source ailleurs qu’en France. Et effet, cette année, ce sont les préjugés des Argentins qui ont prévalu, donnant même lieu à un chant, devenu tristement viral sur les réseaux sociaux. Scandé par une partie du public de l’Albiceleste, le chant remet en question l’origine des joueurs de l’équipe de France. « Écoutez bien / Faites-le savoir / Ils jouent en France mais sont tous d’Angola ». Voilà ce que l’on peut notamment entendre. Et cela fait écho aux préjugés de longue date des Argentins. Au début de la compétition, le commentateur sportif Juan Pablo Varsky avait dressé la liste des joueurs d’«ascendance africaine en France» sur son compte Twitter. Et de préciser: «Ils auraient pu jouer pour ces pays-là.» Une façon pour eux de discréditer leur concurrent au titre. Mais c’est également le symbole d’une croyance profondément ancrée dans la culture du pays. En effet, en Argentine il est d’usage de penser qu’il est impossible d’être noir et Français. Une aberration qui remonte à la propre histoire de l’Argentine qui nie ses racines africaines. « Le pays a historiquement nié ses racines africaines et invisibilisé les populations noires immigrées. Cette tendance à l’invisibilisation touche aussi les joueurs de l’équipe nationale, qui affiche en réalité des teints de peau plus foncés », explique Gisele Kleidermacher, sociologue spécialisée dans l’étude des migrations sénégalaises dans le pays sud-américain.